Le 26e Régiment d’Infanterie : Régiment de Nancy

Le 26e RI a une très longue histoire et a été jusqu’à sa dissolution en 1998, l’un des plus vieux régiments de France. En effet ses origines remontent à 1585. Il s’appelait alors le Régiment Choiseul-Praslin du nom du maréchal Charles de Choiseul, marquis de Praslin (1563-1626). Ce dernier avait levé un régiment à six compagnies de cent hommes de pied. Rare privilège puisque réservé aux dix-neuf premiers régiments à l’ordre de bataille, ce régiment est admis à arborer le drapeau blanc. En 1682, ce régiment cesse d’appartenir à la famille Choiseul-Praslin et prend ensuite le nom de Régiment du Poitou (1682). Dédoublé en 1776, les 1e et 3e bataillons conservent le nom de Poitou quand les 2e et 4e bataillons forment le régiment de Bresse.
C’est ce régiment, qui en 1791, après la Révolution va devenir le 26e régiment d’infanterie de ligne (26e RIL) puis en 1794 la 26e demi-brigade.
Elle s’illustre à la bataille de Fleurus (26 juin 1794) qui oppose les Français aux coalisés : Royaume-Uni, Autriche, Hanovre. Renommé 26e régiment d’infanterie de ligne en 1803, il devient, en août 1815, la Légion du Morbihan, avant de reprendre, en 1821, son ancienne appellation.

Avec la bataille de Fleurus en 1794, le 26e RI ouvre son glorieux album de victoires

 

Campagne d’Algérie

Entre 1794 et 1821, le 26e RIL connaît une vingtaine de chefs de corps dont Louis-Joseph Hugo (1777-1853), oncle de Victor Hugo. Après avoir participé à la campagne d’Espagne (1822-1823) et au soutien à l’indépendance de la Belgique (1832), le « 26 » finit par poser ses valises à Alger en 1837 et se lance aux trousses d’Abd el-Kader. C’est dans la Mitidja que se situe l’un des faits les plus glorieux de cette campagne, le combat de Beni-Mered le 11 avril 1842. Vingt-et-un hommes portant la correspondance sont assaillis dans la plaine entre Boufarik et Beni-Mered par deux cents ou trois cents cavaliers arabes venus de l’Est de la Mitidja : le chef des soldats français, tous du 26e de Ligne, est le sergent Jean-Pierre BLANDAN. Le groupe de soldats résiste à l’assaut et à l’arrivée des renforts, 17 Français sont morts ou hors de combat. Le sergent Blandan, 23 ans, succombe de ses blessures le lendemain, 12 avril 1842. Une statue à son effigie honore toujours sa mémoire à Nancy.

La Crimée

Peu après, le régiment rentre en métropole et connaît une vie de garnison jusqu’à la guerre de Crimée et au siège de Sébastopol où il subit de lourdes pertes, notamment lors des combats du 18 juin 1855 (157 tués et disparus et 357 blessés). Il participe le 8 septembre 1855 à la prise de la ville, ce qui lui vaut une nouvelle inscription sur son drapeau.

De retour en France, il connaît plusieurs garnisons : Montélimar, Privas, Valence, Lyon, Châlons, puis l’Italie (Livourne, Bergame) pendant la guerre éponyme (1859).

La Guerre de 1870

La guerre de 1870 surprend le 26e RI alors qu’il stationne à Cherbourg. Engagé dans la tourmente, il combat à Rezonville, Saint-Privat, et Ladonchamp. Lorsqu’il pénètre à Nancy, le 7 septembre 1873, il est acclamé en libérateur. C’est en effet la toute première unité française à rentrer dans la capitale lorraine qui vient de subir trois ans d’occupation prussienne. Il est immédiatement adopté par la population qui en fait son régiment fétiche. C’est en quelque sorte le « régiment de Nancy ». Il est rejoint en 1874 par les 37e, 69e et 79e RI. La popularité du 26e est telle que tous les Nancéiens appelés sous les drapeaux veulent servir dans ses rangs, où effectivement ils sont en majorité. Le futur président de la République, le Lorrain Raymond Poincaré y fait son service militaire en qualité de sergent

Quand survient la guerre de 1914, le « 26 » qui est intégré au 20e Corps d’armée et à la 11e Division, est prêt au combat. Sous l’autorité de son chef de corps, le colonel Gaston d’Armau de Pouydraguin, il revient du camp de Mailly où il a été bien entraîné. Il occupe ses positions : en couverture sur la Seille qui est la frontière entre la Lorraine restée française et la Lorraine annexée. Les premiers combats sont terribles, à l’image des 1er, 2e et 3ebataillons qui donnent l’assaut de la cote 284, appelée « Signal Allemand ». Ils enlèvent le promontoire à la baïonnette, mais les pertes sont lourdes : 150 hommes hors de combat rien que dans le 1er bataillon dont 14 morts. Dans les premiers jours de la guerre, les offensives succèdent aux contre-attaques et le soutien physique et moral de l’aumônier de l’unité, le Père Daniel Brottier, n’est pas de trop. Rattaché au 26e RI, le 26 août 1914, il y croise furtivement le futur cardinal Eugène Tisserant qui, après sa blessure, rejoindra les services secrets français. Le 25 août, le colonel de Pouydraguin a été blessé dans un assaut qui permet au 26e RI d’enlever la butte de Léomont à Vitrimont (Meurthe-et-Moselle).

Le Drapeau du 26e Régiment d’Infanterie montant au front – 1914

C’est l’une des premières victoires françaises de la guerre. En récompense de ce fait d’armes, le chef de corps du « 26 » est promu général de brigade et commandant de la 15e division d’infanterie. Il est remplacé par son second, le colonel Ungerer qui sera tué un mois plus tard lors de la bataille de Dompierre-Becquincourt (Somme). C’est le commandant Savary qui prend la tête du régiment pour une courte durée puisque lui-même est tué le 1er octobre lors de la prise du village de Fricourt (Somme). C’est le commandant Colin, qui commande le 1er bataillon qui devient chef de corps du 26e RI.

Après deux mois de combat, le régiment a perdu plus du quart de ses effectifs. Il peut inscrire sur son drapeau Lorraine 1914. Le 11 octobre 1914, le Caporal Dohm de la 12e compagnie du 26 qui stationne dans le Pas-de-Calais, approche le village de Foncquevillers. Le soldat découvre, cachée dans la cheminée d’une maison, la hampe du drapeau du 17e Bavarois. Ce trophée est le seul drapeau bavarois pris à l’ennemi durant la guerre.

Verdun 1916

Après la Lorraine, la Somme où il reçoit sa première citation, puis la Belgique et Ypres, le régiment participe en 1915, à l’offensive d’Artois à l’issue de laquelle il goûte, début juillet, son premier grand repos mérité, depuis le début de la guerre. Mais en septembre, il repart au combat, participant à l’offensive de Champagne, puis en 1916 aux terribles combats de Verdun. Rien qu’entre le 4 et le 8 avril, il perd 20 officiers et 800 soldats et sous-officiers. Puis en juin, il est envoyé dans la Somme pour la grande offensive franco-britannique du 1er juillet. Là encore les pertes sont lourdes. Aux combats de Maurepas du 30 juillet, les 2e et 3e bataillons, commandés par les commandants Mimaud et Baille sont totalement décimés. Après un repos près de Dieppe et une nouvelle intervention dans la Somme, le 26e RI revient à Nancy.

Le général de POUYDRAGUIN

Il est rappelé pour l’offensive de l’Aisne en avril 1917 et participe glorieusement à l’enlèvement du plateau du Chemin des Dames, toujours au prix de nombreuses pertes qui s’alourdissent quand, dans les tranchées de la Woëvre, il subit de terribles attaques au gaz en juillet 1917. De retour à Verdun début 1918, il subit encore des attaques à l’ypérite en février et mars. En juin, les soldats du « 26 » repoussent glorieusement les attaques ennemies et se couvrent de gloire à Courcelles et Méry. En juillet, après l’échec de l’offensive allemande, la contre-offensive est lancée par celle que l’on surnomme la « Division de Fer », la 11e Division composée notamment des 69e et 26e RI. Cette proximité explique d’ailleurs pourquoi les deux régiments ont la même devise « Qui s’y frotte s’y pique » (lire Bulletin n°149 de l’ANORI à propos du 69e RI).

Lors des combats de juillet le « 26 » obtient une cinquième citation à l’ordre de l’armée pour avoir notamment capturé à l’ennemi 1 000 prisonniers, 100 mitrailleuses et 32 canons. Il en obtient une sixième un mois plus tard lors de l’attaque de Nouvron-Vingré quand il prend encore 500 soldats, 100 mitrailleuses et 10 canons aux Allemands ! Après une incursion en Belgique, et des combats sporadiques jusqu’au 1er novembre 1918, il goûte un repos mérité quand il apprend l’armistice. Pour tous ses faits de guerre, le drapeau du régiment est décoré de la Légion d’Honneur le 5 juillet 1919 et les soldats font une rentrée triomphale dans Nancy le 27 du même mois.


La 14e Escouade de la 23e Compagnie du 26e RI en 1915

Le Père BROTTIER, aumônier du 26
avec les Fantassins du Régiment

En 1925, le 26e occupe seul la caserne THIRY et il assure la garde des drapeaux des régiments dissous de la Division de Fer : 37e, 69e et 79e R.I et l’entre-deux guerres sert à raffermir les liens entre les militaires et la ville nancéienne par le biais de nombreuses cérémonies et commémorations.

1939-1945

Quand éclate la Seconde guerre mondiale, les gars du 26e sont commandés par le lieutenant-colonel Etienne Frenot (il est promu colonel le 11 nov. 1939) qui a pris son poste une semaine auparavant le 27 août. Le 26e se voit confier la mission de réduire le saillant d’Auersmacher en territoire allemand entre la Sarre et la Blies, face à Sarreguemines. Il s’empare du village fortifié de Sitterswald (surnommé « Hitlersdorf » par les Lorrains frontaliers) et subit quelques pertes, mais la drôle de guerre reprenant ses quartiers laisse les soldats aussi perplexes que désœuvrés. Lors de l’offensive allemande déclenchée le 10 mai 1940, ils offrent une belle résistance et combattent dans le secteur de Forbach, puis à Compiègne, Croutoy et Rozières. Le 18 mai 1940, le colonel DIDIERJEAN succède à la tête du Régiment au colonel Frenot, nommé Chef d’Etat-Major du 20e Corps. Puis les ordres de repli se multiplient et l’armistice le 22 juin surprend le régiment alors qu’il stationne dans la région de Limoges.

Un groupe du 26e RI en 1945 dans les environs de Royan. Seudre inscrit sur le drapeau fait référence au fleuve côtier de la Charente-Maritime

 

Certains officiers, sous-officiers et soldats ayant entendu l’appel du Général De Gaulle, rejoignent la Résistance non sans avoir préalablement soustrait à l’occupant le drapeau du 26e RI et une grande quantité d’armes. Avec des éléments de l’ancien 35eRégiment d’Artillerie, ils s’engagent dans la clandestinité aux confins du Périgord. Les anciens du 26 libèrent Périgueux le 21 août 1944 puis s’en vont prêter main forte à la résorption des poches de Royan et de La Rochelle. Ces actes de Résistance valent au 26e RI qui rentre à Nancy en octobre 1945 d’inscrire « Résistance Dordogne 1944 » sur son drapeau.

La dissolution

Réduit à l’effectif d’un bataillon en 1947, le régiment est réorganisé en 1949, rebaptisé en 1955, 26e Régiment d’Infanterie Motorisé (26e RIM). En juin de la même année, il rejoint l’Algérie et notamment Azazga où se trouve son PC. Il déplore, en septembre 1955, ses premiers morts. Comme d’autres régiments, son action consiste à maintenir l’ordre et lutter contre le FLN. Affecté à la force d’apaisement après les accords d’Evian en 1962, il retrouve définitivement Nancy en novembre 1963. Le 1er février 1964, le 26e RI est réorganisé en régiment commando. Les soldats, appelés et engagés, y suivent un entraînement intensif, effectuant des stages parfois éprouvants à Givet. Toutefois, les différentes réformes des armées ont raison des effectifs. Le 26e RI est dissous, en tant qu’unité combattante, en 1975.

Mais il perdure, avec un effectif réduit et un nouvel insigne régimentaire au sein du Centre d’entraînement commando N°8 (CEC n°8), situé à Pont-Saint-Vincent, à une dizaine de kilomètres au sud de Nancy. Les réformes du Livre Blanc 1994 s’appliquent au 26e RI en 1996, le CEC n°8 ferme ses portes : il était composé de treize officiers, trente-six sous-officiers, quatre-vingt-douze militaires du rang et formait trois mille stagiaires par an environ. Le régiment de réserve du 26 est quant à lui dissous le 1er janvier 1998. Avec lui disparaît l’un des plus vieux régiments de France.

CNE (r) Christophe SOULARD
suivant la conférence du colonel (r) Pierre GEOFFROY