Hommage aux goums… guerriers atypiques et valeureux au service de la France

« Goumiers » : ce nom évoque pour certains l’allant et le courage au combat, il inspire également le respect et la crainte. Mais pour beaucoup, l’épopée de ces ardents guerriers au service de la France demeure méconnue. Qui étaient ils ? Quelle est leur histoire ? Nous allons tenter de répondre à ces questions en nous appuyant sur les textes et coupures de presse amicalement transmis par le lieutenant-colonel Pierre L. HUOT.

Goumiers, Goums et Tabors

Tout d’abord, il est nécessaire de préciser certains termes qui sont parfois intervertis par abus de langage. Si le goumier désigne le soldat, le goum représente quant à lui un groupement de combattants de la valeur d’une compagnie. Le tabor, terme parfois utilisé à tort pour désigner un goum, est en réalité l’équivalent d’un bataillon.

Naissance des Goums en 1908

Le premier goum marocain, composé de 100 cavaliers, a été mis en place le 3 octobre 1908 sur le modèle des goums algériens qui était alors l’équivalent d’une police indigène employée par la France pour sécuriser la frontière algéro-marocaine.

Ce premier goum marocain, encadré par des officiers et sous-officiers instructeurs espagnols et français (conformément à l’Acte d’Algésiras de 1906) était utilisé pour des opérations de police intérieure dans la Chaouïa (sud de Casablanca).

Bien que la dissolution de ce goum fut rapide (après un mois d’existence seulement), six nouveaux goums dédiés à la sécurisation et la pacification du Maroc furent créés en novembre de la même année. Chaque Goum (« troupe » en arabe) était l’équivalent d’une compagnie d’Infanterie composée de 100 à 150 goumiers (avec parfois une cinquantaine de cavaliers) encadrés par une poignée d’officiers et sous-officiers français.

Maintenus en grande partie sur le sol marocain lors de la première guerre mondiale, les goums participèrent pendant cette période à la stabilité intérieure du Maroc.

Ils furent également engagés lors de la guerre du Rif de 1924 à 1926 contre Abdelkrim. Dans ces opérations, notamment dans les montagnes de l’Atlas, les goums avait déjà fait montre de leur rusticité et de leur combativité.

Leur nombre augmente alors de façon significative, passant de 25 en 1920 à 47 en 1933, puis 121 à la veille de la seconde guerre mondiale.

Mise en place des 4 Groupes de Tabors Marocains par le général GUILLAUME et premières opérations en Italie

En 1940, afin d’échapper à la réduction des effectifs militaires prévue par les accords d’armistice, les goumiers sont camouflés dans les forces de police intérieures réparties dans les tribus. Leur matériel est également caché pour échapper aux inspections germano-italiennes dans le pays. En 1943, le général GUILLAUME dispose ainsi de 4 GTM (Groupe de Tabors Marocains) en ordre de marche. Chaque GTM est alors l’équivalent d’un régiment d’Infanterie de 1 500 à 3 000 hommes composé de trois Tabors.

Ces derniers, comparables à un bataillon d’Infanterie de 500 à 800 hommes, regroupent quatre Goums chacun. A partir de 1943, les goums vont être de tous les combats.

Les goumiers contribuent d’abord à défaire les forces italo-allemandes en Tunisie au sein de la Division de Marche du Maroc. Remarqués alors par les officiers alliés, les goums font preuve d’un enthousiasme si exemplaire dans leurs assauts que le Général PATTON demandera à l’Etat Major Français qu’on lui adjoigne un Goum pour l’attaque prévue sur la Sicile. Exercés au combat en montagne, ces troupes s’avèrent très utiles dans les théâtres d’opérations accidentés. Le 4ème Tabor fut ainsi employé pour appuyer l’avancée des forces alliées sur Palerme et Messine. Le 2ème GTM est quant à lui affecté à la libération de la Corse et de l’île d’Elbe.

En Italie, les Goums (1er GTM, 3ème GTM et 4ème GTM) contribuent à l’avancée vers Rome où les alliés arrivent le 4 juin 1944. Les goumiers s’illustrèrent particulièrement lors de la difficile bataille de Monte Cassino. Habitués aux terrains escarpés, efficaces dans les combats nocturnes, et particulièrement acharnés dans les assauts, les goumiers sont craints et respectés par leurs adversaires. Le Maréchal Kesselring les aurait d’ailleurs surnommés  les « combattants du Diable », preuve s’il en est de l’ardeur au combat de ces soldats atypiques et tenaces.

Les campagnes de Provence des Vosges et de l’Alsace

« Il me faut les goumiers » aurait insisté le général DE LATTRE DE TASSIGNY, commandant la Première Armée Française. Les trois GTM (1er, 2ème et 3ème GTM) sont alors embarqués à Naples à bord des bateaux de la Royal Navy. Ils débarquent en Provence en août 1944 et contribuent activement à la prise stratégique de Marseille.

Ces farouches et loyaux guerriers ne ressemblaient pas tout à fait à leurs frères d’arme de l’armée régulière. Les goumiers étaient en effet équipés de façons hétérogènes et portaient de façon dépareillée le vêtement traditionnel berbère et l’équipement « moderne » du soldat.

Profitant parfois des razzias, ils se déplaçaient le plus souvent avec femmes, bagages et mulets et leur nombre précis aurait souvent été difficile à recenser précisément. « Lorsqu’on parle de 1 000 goumiers, on pense 2 000 et on en embarque 6 000 » aurait dit le général GUILLAUME.

Ces trois GTM combattent ensuite dans la bataille des Vosges, puis prennent part à la campagne d’Alsace.

Le 3ème GTM est alors remplacé par le 4ème GTM et rentre au Maroc. Les trois GTM (1er, 2ème et 4ème) participent ensuite à la campagne d’Allemagne, le 2ème GTM poussant jusqu’en Autriche.

En Alsace, les jeunes goumiers qui y ont rejoint les Tabors ont fait face à une armée allemande bien décidée à ne pas céder cette partie de terre qu’ils considéraient comme leur.

Le 8 mai 1945, l’armistice est signé. En octobre, le 4ème GTM reçoit des mains du général DE GAULLE sa deuxième citation à l’ordre de l’Armée. Rentré au Maroc, il est dissout comme les autres GTM en 1946.

L’Indochine

Afin de compléter les effectifs français sur le théâtre indochinois, neuf Tabors furent alors engagés au sein des Groupements de Tabors Marocains d’Extrême Orient. Leur mission principale était d’assurer la sécurité du corps expéditionnaire (protection de convois, sécurisation de zones). Près de 750 goumiers marocains tombèrent au cours de ces opérations, nombre d’entre eux périrent, malgré leur bravoure légendaire, au cours des combats de la RC4 ou encerclés à Diên Biên Phu.

Les goums servirent également en Tunisie et en Algérie de 1954 à 1956 dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre.

En 1956, année de l’indépendance du Maroc, les goums ont été définitivement dissous. Après 48 ans d’existence, la valeureuse épopée des goumiers se termine. Craints, admirés, et toujours respectés, les goums ont contribué par leurs exploits et leur engagement fidèle à l’écriture des plus valeureuses pages de l’histoire de l’Armée française et de l’Infanterie.

Le Musée de l’Infanterie à Montpellier retrace d’ailleurs au moyen d’une riche collection d’époque l’histoire des goums dans une salle qui leur est dédiée.

Sous-lieutenant (R) Cyril ANDRE

Citations de Tabors et chant des Goums

Décision n° 158
Sur proposition du ministre de la Guerre, le président du Gouvernement Provisoire de la République Française, chef des Armées cite : A L’ordre de l’Armée

Le 1er groupe de tabors marocains.

Sous l’énergique impulsion de son chef, le colonel LEBLANC Georges, n’a cessé d’être sur la brèche en Tunisie, en Italie, en France. En Tunisie, ses exploits dans le Ghidich, le Boufus et le Safrouf lui valent une renommée légendaire. En Italie, au cours des opérations offensives de mai et de juin 1944, du Garigliano à la plaine de Rome puis jusqu’à Sienne, cette unité d’élite, toujours à l’avant garde, refoule l’ennemi par une série de manœuvres audacieuses et de nombreux combats victorieux. Dès son débarquement en France, poussé à marches forcées au nord de Marseille, il est engagé dans la bataille le 22 août et, après deux jours de combats, fait sauter le verrou de Marseille. Se heurtant constamment à une défense acharnée, il poursuit malgré des pertes sévères, la conquête de vive force des ouvrages de la Gavotte, du Moulin du Diable, de Tante Rose, qui constituent la dernière ligne fortifiée couvrant les batteries de côtes allemandes, cependant qu’il achève l’encerclement de la ville de Marseille en la débordant à l’ouest et en investissant les ouvrages du Rove. De ce fait, il oblige le commandant allemand du secteur à capituler avec toutes les forces relevant de son commandement. Durant cette période, il occasionne des pertes sanglantes à l’ennemi tout en s’emparant de 5402 prisonniers, d’un butin considérable, perdant lui-même 281 hommes dont 27 officiers et sous officiers (Un groupe de tabor compte un peu moins de 300 hommes).

Le 2ème groupe de tabors marocains.

Unité marocaine de la plus haute valeur guerrière, déjà citée à l’ordre de l’Armée en Tunisie et en Corse. Sous les ordres du Colonel BOYER DE LATOUR, s’est signalée à l’Ile d’Elbe, en réussissant dans des conditions extrêmement difficiles, un débarquement sur une côte fortifiée et puissamment défendue. Malgré de lourdes pertes, a pris une part importante à la conquête de l’île, faisant plus de 600 prisonniers. S’est montrée, en France, à la hauteur de son brillant passé. Débarquée le 20 août 1944 sur une dizaine de plage différentes dans la région de Saint Tropez, et engagée dès le lendemain à 120 km de là, devant Aubagne, a enlevé la ville en moins de deux jours d’une lutte sévère et meurtrière. A poussé ensuite sans désemparer sur Marseille, forçant du 23 au 28 août les défenses des faubourgs de la cité qui lui étaient opposées, et conquérant successivement, par une série de manœuvres hardies et d’assauts allant jusqu’au corps à corps, Saint Marcel, Saint Loup, la chaîne de Saint Cyr, le Roucas Blanc, le parc Borély, Endoume, la Malmousque et le fort Saint Nicolas. En huit jours de combat a fait 4009 prisonniers, dont un général, trois colonels et 104 officiers.

Fait à PARIS, 1944. Charles de Gaulle.

 

Le chant des goums marocains

Zidou l’goudem, Zidou l’goudem
Ecoutez le chant des Tabors.
Marchez toujours, marchez quand même
Jusqu’à la fin, jusqu’à la mort
Tout en hurlant « Zidou l’goudem! »
C’est la dure loi du Tabor.

Vêtus de nos robes de laine,
Nous avons laissé nos troupeaux,
Notre montagne ou notre plaine
Pour ne connaître qu’un drapeau,
C’est le fanion d’un capitaine.
Notre destin est le plus beau.

Regardez les goums qui passent
L’œil brûlant comme des loups.
Quoi qu’on dise, ou quoi qu’on fasse
Il faut bien compter sur nous.
Hannibal et sa légende
Ne sont plus qu’un bruit très lointain.

Nous avons promené nos bandes
De l’Atlas par-delà le Rhin
Dans le rang des GTM.
A l’appel du grand Auroch,
Retentit « Zidou l’goudem! »
Pour la France ! Pour le Maroc

Rappelle-toi la Tunisie
Au temps de nos premiers assauts,
Rappelle-toi la frénésie
Qui s’empara de notre peau
Lorsqu’au Zaghanan – adieu la vie.
Nous nous battîmes au couteau.

Sur le sol de la voie Appienne,
Nous avons traîné nos pieds nus.
Puis ce fut la course vers Sienne
L’ennemi fuyait éperdu.
Des baisers des belles romaines
Petit goumiers, te souviens-tu ?

Le beau 15 Août, ce fut la France
Qui nous reçut, les bras tendus,
Nous apportant la récompense
Du bonheur enfin revenu.
Marseille et toute la Provence
Ont chanté quand ils nous ont vu.

Coureurs de bled, coureurs d’espace,
Bien serrés dans nos djellabas,
Il fallut poursuivre la chasse
Pendant l’hiver ô sombres mois
Mais nous entrâmes en Alsace
Teintant de rouge le verglas.

Après le Rhin, la Forêt Noire,
Nous vit surgir tels des démons.
On se ruait vers la victoire.
Par un soir d’avril, nous plantions,
Ah! Le beau soir d’or de gloire,
Dans le Danube nos fanions.

On chantera, la chose est sûre,
Pendant 100 ans et beaucoup plus,
Les exploits et les aventures
De ceux qui se sont tant battus.
Goumier à la robe de bure,
Tu peux rentrer dans ta tribu

—————————————————————————————————————————————————–

Décision n° 278
Sur proposition du ministre de la Guerre, le président du Gouvernement Provisoire de la République Française,chef des Armées cite : A L’ordre de l’Armée

Le 2ème groupe de tabors marocains

Magnifique groupe de tabors qui, après s’être couvert de gloire en Tunisie, en Corse, à l’Ile d’Elbe, à Marseille, s’est de nouveau distingué sous le commandement du Colonel Boyer de Latour au cours des durs combats livrés sur le front des Vosges par la 3ème DIA du 5 au 20 octobre.
Engagé du 5 au 17 octobre dans la forêt de Longegoutte et dans la vallée de la Moselle, afin de dégager des unités séparées de nos gros par une violente contre attaque, il se lance à l’assaut avec sa fougue habituelle. Dans de furieux corps à corps, il s’empare de la ligne des crêtes dominant au nord Ferdrupt. Simultanément, appuyé par un détachement blindé, il atteint les lisières de Ramonchamp. Engagé de nouveau dans la région de Saulxures, il a rejeté l’ennemi du Droit de Cornimont et , malgré des tirs violents et précis de l’artillerie et des mortiers ennemis, dévale les pentes de la Moselotte, franchit cette rivière en amont de Cornimont, nous assurant ainsi la base de départ indispensable à la conquête du Haut du Faing. Ayant perdu la moitié de ses officiers au cours des combats de Marseille et des Vosges, n’en a pas moins maintenu jusqu’au bout son ascendant sur l’ennemi, infligeant à celui-ci des pertes extrêmement sévères. La présente citation comporte l’attribution de la Croix de Guerre avec palme.

Fait à Paris, le 8 janvier 1945. Charles De Gaulle.

 

Sources :

  • article de la FARAC de mars 2002
  • articles de « Rhin et Danube » de 1999 transmis pas le lieutenant-colonel Pierre L. HUOT
  • article du Journal des combattants de 1985
  • compte rendu de l’inauguration du monument des tabors à la croix des moinats du 13 juin 1954
  • site Internet de la promotion Général GUILLAUME (1990-1993) de l’ESM Saint Cyr