Le Mot du Président de l’ANORI – décembre 2015

Les attentats meurtriers de fin d’année qui ont endeuillé notre pays, ont réveillé un « vieux serpent de mer » datant de la fin des années 90, suite à la suspension du Service National.

Le concept même, de « Garde Nationale », peu ou prou sur le modèle américain (1) ,est difficilementconcevable, sa mise en œuvre est illusoire.Cela ne peut pas être une solution pour la protection de notre territoire national. En effet, il n’y a aucune similitude entre les deux sociétés, en termes de Constitution, de réglementation législative et de programmation budgétaire pour ne citer que les principales différences.

Depuis la professionnalisation de nos armées, l’armée de Terre est maintenant la seule à posséder des unités élémentaires de réserve parfaitement intégrées aux formations d’active. Elles y sont recrutées, formées, instruites, contrôlées, soutenues et employées, à l’instar des unités d’active,au sein de la chaîne de Commandement des Forces Terrestres (2).

Aujourd’hui, l’employabilité de la réserve estrelativement bien avérée (3), malgré les lourdes contraintes liées à la disponibilité, cela représente en moyenne sur l’année 2015, un effectif de 1 300 réservistes/jour.Dans ce contexte, la territorialité est également bien effective, puisque 80% des réservistes habitent dans un rayon de moins de 50 km de leur régiment. Par conséquent, nous pouvons affirmer que l’armée de Terre, répond déjà aux critères d’une force de protection terrestre nationale. A ces effectifs, peuvent aussi s’ajouter en cas de nécessité absolue, les réservistes de la réserve opérationnelle de 2ème niveau (RO2), les militaires soumis à une obligation de disponibilité pendant cinq ans après la fin de leur service actif. Ils représentent un vivier de 40 000 personnels, dont 17 000 directement issus des rangs de la force terrestre.

Dans le cadre du projet « l’armée de Terre au Contact », l’ambition affichéepour la réserve s’inscrit parfaitement dans ce contexte global, contribuant à la résilience des forces armées et à l’esprit de résistance de la Nation.

En vue de renforcer la capacité d’action de l’armée de Terre sur le territoire national, le dispositif actuel est naturellement perfectible et doit être amélioré afind’obtenir une réserve efficiente et capable d’atteindre les objectifs fixés par le Ministre de la Défense, à savoir un engagement journalier de 800 réservistes pour l’armée de Terre sur un total de 1 000.

Tout en étant réaliste et pragmatique, il est nécessaire, pour les atteindre, de renforcer l’employabilité de la réserve.A cet effet, il y a lieu de densifier les unités existantes, d’améliorer le ratio entre la formation et l’emploi, d’adapter les missions confiées aux réservistes en rapport avec leur niveau moyen de disponibilité, d’accroître le nombre d’unités etde prévoir un déploiement supplémentaire pour améliorer le maillage territorial tout en diminuant nos zones de vulnérabilité, notamment dans ce que l’on qualifie de « déserts militaires », d’assouplir, autant que possible les dispositions relatives à la disponibilité des réservistes vis-à-vis des employeurs et enfin d’allouerle budget nécessaire correspondant.

Ces mesures sont, en partie, prises en compte et doivent faire l’objet d’études complémentaires innovantes.

Pour éviter toute ambigüité, il est donc préférable de parler d’une force ou d’une réserve opérationnelle de protectiondu territoireplutôt que d’une « garde nationale » qui sur le plan historique était une milice civile.

Colonel (R) Philippe MARTIN
Président de l’ANORI

(1) Garde Nationale US : la Garde Nationale est, selon le Titre 32, section 101 du Code des Etats-Unis, une milice fédérale sous l´autorité du gouverneur de l´Etat qui peut la mobiliser en cas d´urgence (émeutes, catastrophe naturelle, etc…). Son effectif  est de 350 000 hommes (en 2014) et son budget de 60 milliards de dollars.
(2) Réserve armée de Terre : Effectif de 16 000 (2015) porté à 24 000 en 2019, dont 16 000 en unités constituées et 8 000 compléments individuels –  Budget : 45 M€ en 2015 et 54M€ en 2016.
(3) Employabilité : 740 hommes pour le TN : 220 sur Sentinelle, 420 sur d’autres Missint (Harpie, Cuirasse, Héphaïtos …), 100 pour le soutien et le lien armées-nation. Amélioration du ratio formation/emploi : sur 4 ans, 48 jours de formation pour 72 jours de déploiement opérationnel.

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