69e RI : Qui s’y frotte s’y pique !

En plus de trois siècles d’existence, le 69e régiment d’Infanterie a connu un destin à la fois glorieux et mouvementé.

Le 69e régiment d’Infanterie est l’un des plus vieux régiments de France. Levé en 1672, il est officiellement créé en 1673 sous le nom de Régiment de Greder, du nom du capitaine aux Gardes suisses qui l’a formé. Son drapeau porte la devise : « Vis nulla revelet », c’est-à-dire «Aucune force ne peut l’abattre». Il la conserve pendant des décennies.

Ce valeureux régiment participe à de très nombreuses guerres : celle de Hollande (1672-1679), des Pays-Bas (1683-1684), de la Ligue d’Augsbourg (1689-1697). C’est au cours de cette guerre, lors de la bataille de Nerwiden, qu’il mène la première charge à la baïonnette de l’histoire militaire. D’autres guerres rythment l’histoire de ce prestigieux régiment pendant l’Ancien régime : La guerre de Succession d’Espagne (1701-1714), la Guerre de Succession de Pologne (1733-1738), celle d’Autriche (1740-1748), celle de Sept ans (1756-1763). Devenu régiment de Vigier en 1781, il prend le 1er janvier 1791 le nom de 69e Régiment d’Infanterie puis il est licencié en 1792 avant de renaître en 1795 sous l’appellation de 69e Demi-Brigade de bataille. Il prend part à la lutte contre l’Europe coalisée (Autriche, Grande-Bretagne, Espagne,…) et participe, à ce titre, à de nombreuses campagnes : Campagne des Pyrénées-Orientales (1795), Campagne des Alpes (1795-1796),  Campagne d’Italie où le 69e se distingue brillamment à Castiglione en août 1796, ce qui lui vaut d’inscrire ce nom en lettres d’or sur son drapeau. Les hommes de la Demi-Brigade poursuivent leur glorieux parcours pendant l’expédition d’Egypte, en particulier à Aboukir en juillet 1799 et sous l’ère napoléonienne.

                                 La première section de la 11e Cie du 69e RI en août 1914

 

S’il s’illustre à Ulm, Austerlitz, Iéna, et ses faits d’armes remarquables lui permettent d’inscrire deux nouveaux noms sur son drapeau : Elchingen (1805) et Friedland (1807). Lors de cette dernière bataille, le Colonel Fririon et tous ses chefs de bataillon sont mis hors de combat. Après les campagnes de Portugal (1808), d’Espagne (1809), d’Autriche (1809), d’Espagne une nouvelle fois (1812-1813) et d’Allemagne (1813), la 69e Demi-Brigade participe à la campagne de France de 1814 pour stopper l’arrivée des troupes ennemies formées lors de la Sixième Coalition. Sauvé lors de la Première restauration, il ne l’est pas sous le Seconde en 1815.

Lieutenant-Colonel Gustave Bernard, chef de corps du 69e du 24 août 1914 au 1er septembre 1914, grièvement blessé à la tête de ses troupes, le 1er septembre 1914

 

Le 26 août de cette année, il dépose ses aigles dans les ateliers de l’artillerie de Bourges. Pour avoir participé aux Cents Jours, le 69e RI est sanctionné et en parti dissout. Seule subsiste une 69e légion départementale, créée en Haute-Saône. Il faut attendre l’ordonnance royale du 29 septembre 1840 pour que le 69e RI soit recréé à Strasbourg. Lors de journées de février 1848, il est posté entre la place de la Concorde et l’Hôtel de Ville de Paris. Il est missionné pour pacifier quelques troubles en région : Rouen, Dieppe, Fécamp… En 1855, il part combattre en Crimée jusqu’à la conclusion de la paix en mars 1856, puis à la campagne de Rome (1860-1861). Il stationne à Troyes et à Paris quand éclate la guerre de 1870. Ses hommes combattent à Sarrebruck, Spickeren, Borny, Rezonville, Saint-Privat, Servigny, Colombey, Lauvallier et Gravelotte. Après la capitulation de Metz, le 69e RI fusionne avec le 69e régiment de marche.  Il stationne à Nancy en 1873 où il s’entraîne durement. D’une discipline remarquable et d’une puissance manœuvrière reconnue, il est considéré comme l’une des unités les plus aguerries de son époque. La guerre de 1914 lui commande de retourner au combat. Après avoir mis sur pied son régiment de réserve (le 269e RI) et avoir été rattaché au 20e Corps d’Armée, le 69e RI s’engage tout de suite dans la bataille. Il connaît le feu dès les premiers jours du conflit, lors des batailles du Grand Couronné de Nancy et de Morhange.

     Uniformes du 69e RI à travers de 1791 à 1911

 

Les pertes sont très élevées et dès le mois de septembre,le 69e est cité à l’ordre de la 2e armée. En trois mois, le régiment perd trois chefs de corps : le colonel Courtot de Cissey qui avait commandé jusqu’au 26 août et qui avait juste pris le commandement de la 21e brigade. Il est tué le 1er septembre. Le lieutenant-colonel Gustave Bernard, qui lui avait succédé le 26 août est grièvement blessé le 1er septembre à la ferme des Quatre-Vents. Puis, le 29 octobre, c’est au tour du lieutenant-colonel Louis Petitjean de Marcilly d’être tué au combat de Monchy (Somme)

                               Des Fantassins du 69e RI le 29 décembre 1916 à St Léger

 

Sous les ordres du lieutenant-colonel Charles Pesme, le 69e RI traverse ensuite la frontière et combat en Belgique, autour d’Ypres fin 1914-début 1915, puis en Artois entre avril et juin 1915. Après un repos mérité en Lorraine et une revue effectuée par le président de la République Raymond Poincaré et le roi Albert 1er de Belgique (août 1915), l’ancien régiment de Gréder prend part à la bataille de Champagne entre Reims et Sainte-Ménéhould entre septembre et décembre 1915. C’est lors de ces combats, notamment ceux du 25 septembre au cours desquels il défend ardemment une position stratégique et fait 600 prisonniers allemands,que le 69egagne la Croix de Guerre que lui remet, le 10 novembre, le général Balfourier, commandant le 20 Corps d’Armée. De repos en Lorraine et à Bezange en janvier 1916, les hommes du 69e repartent au combat, dans l’enfer de Verdun. Il positionne à proximité de la Cote 304. Il résiste autant qu’il peut jusqu’à ce qu’il soit presque entièrement décimé.

Le 4 mai 1916, le 69e est encore cité à l’ordre du 20e Corps d’armée. A peine les survivants ont-ils le temps de souffler qu’ils retournent en première ligne, dans la Somme. Ils combattent à Curlu, Maure, Saint-Vaast entre juillet et novembre 1916, infligeant de lourdes pertes à l’ennemi : « 20 juillet : Attaque. Prise de prisonniers, environ un millier, dont plusieurs officiers, passent près de nous. Soleil. Vers 11 heures, une dizaine d’obus arrivent sur Bray et Laneuville-lès- Bray dont un sur la mairie qui sert de poste de secours. Plusieurs soldats sont tués ou blessés », note, dans son carnet de bord, le soldat Antoine Grillot, conducteur de la roulante puis cuistot au 3e bataillon du 69 ». En Janvier-février 1917, le régiment effectue une période d’instruction au camp de Saffais (Meurthe-et-Moselle) puis en février-mars cantonne entre Lunéville, Bénaménil, Haussonville et Château-Thierry. Il est encore en première ligne pour l’offensive du printemps 1917, toujours au sein du 20e Corps d’armée. Avec le 2e Bataillon de chasseurs à pied, il engage les hostilités sur le Chemin des Dames se heurtant à la résistance farouche de l’ennemi qui déclenche une contre-attaque aussitôt stoppée par les vaillants soldats français.

Le 69 rejoint la Lorraine en juin 1917. Il stationne dans le secteur de Flirey pour une période d’instruction et de travaux. Jusqu’au 3 octobre, le 69e occupe le secteur, passant successivement vingt-huit jours en ligne et quatorze en réserve d’armée dans la région de Domèvre, Royaumeix, Ansauville, et la forêt de la Reine. Après un retour au camp de Saffais pour une période d’instruction, il retrouve le champ de bataille et Verdun de janvier à mars 1918. Au cours de ces trois mois, il est l’objet de régulières attaques d’obus toxiques et d’ypérite. « Dans le nuit du 18 au 19 mars, j’ai un cheval tué et l’autre blessé au milieu de la Cote du Poivre. Nuit », témoigne le soldat Antoine Grillot. Après la bataille du Matz et les combats de Méry (avril-juin 1918), le 69equi a été cité à l’ordre de la Xe armée, s’engage dans la grande offensive de juillet 1918 où il subit des pertes importantes. En octobre, l’ancien régiment de Vigier  combat en Flandres et à Ypres où son attaque est soutenue par les chars d’assaut. C’est en Belgique qu’il apprend l’armistice. Le bilan de la guerre est terrible : il a perdu près de 6.000 hommes dans la tourmente, soit presque trois fois son effectif de départ. Le 9 janvier 1919, le général MAISTRE lui remet la fourragère aux couleurs de la Médaille militaire. La valeur du 69e RI lui a valu quatre citations à l’ordre de l’armée, deux citations à l’ordre du 20e Corps. Ses bataillons et compagnies totalisent 24 citations.

Malgré sa vaillance, le 69e est dissous en 1923. Ses traditions sont reprises par le 26e. Recrée en 1936, le 69e prend le nom de régiment de mitrailleurs d’infanterie de forteresse. Il est affecté à Saint-Avold-Faulquemont et, du 30 mai au 14 juin 1940, livre un combat retardateur à Einville, Lunéville, Gerberviller et Rambervillers. Ses mitrailleuses, ses mortiers, ses canons de 25 et de 47 lui permettent de tenir ses positions. Puis il se replie vers Séranville où il est encerclé de toutes parts par l’infanterie allemande. Le 69e est fait prisonnier le 23 juin 1940. Ici, les témoignages divergent : certains affirment qu’il a brûlé son drapeau devant l’ennemi. D’autres qu’il a enterré son drapeau. Quoiqu’il en soit, le 69e disparaît pour la quatrième fois. Il va néanmoins renaître en 1968 sous la forme d’un régiment d’Infanterie divisionnaire (R.I.D.) composé de réservistes puis disparaître le 31 décembre 1973 pour réapparaître le 6 août 1974 comme régiment d’Infanterie motorisé de réserve du 2e Corps d’armée. Quatre ans plus tard, le 31 juillet 1978, il est encore dissous pour renaître, le lendemain comme R.I.D. ! Affecté à la défense de points sensibles, il devient en 1982, régiment d’intervention de la 61e Division militaire territoriale (DMT).

Mais, en 1985, les mesures de réorganisation de l’armée de terre entrainent sa septième dissolution le 30 juin. Il renaît le lendemain comme 69e régiment de commandement divisionnaire (R.C.D.)chargé d’assurer les transports et les transmissions au profit du commandement de la 61e DMT. Le 7 novembre 1991, le 69e RCD, qui avait pour devise « Qui s’y frotte s’y pique », est dissous.

LTN (r) Christophe Soulard

Sources : Historique du 69e régiment d’Infanterie (1672-1912) – Jules Vassias–Librairie Chapelot (1913) ; Historique du 69e régiment d’Infanterie (1914-1918) Librairie Chapelot (1919) ; Ordre du jour n°95 du général de Corps d’armée Sevrin du 7 novembre 1991 ; La revue de l’Infanterie (juin 1937) ; Carnet de route du soldat Antoine Grillot (http://chtimiste.com/carnets/grillot.htm) – Documents offerts par le LCL MAGRON, ancien Chef de Corps du 69ème RI