L’Infanterie dans la bataille de la SOMME

L’Infanterie dans la bataille de la Somme
juillet – novembre 1916

Le 1er juillet 1916, sur ordre du Général Joseph JOFFRE (1852-1931), la VIe armée française commandée par le général Emile Fayolle (1852-1928) et la Xe armée commandée par le général Joseph Micheler (1861-1931) s’engagent dans la bataille de la Somme aux côtés des Britanniques. Il s’agit d’ouvrir un second front afin d’affaiblir les armées allemandes et donc de soulager les forces alliées qui combattent à Verdun.

Au total, 21 divisions françaises prennent part aux combats : quatorze divisions d’infanterie françaises, quatre de réserve, et trois de cavalerie. Les quatre divisions d’infanterie de réserve sont les 55e, 56e, 61e et 62e.  Alors que la bataille s’engage, la 55e est principalement composée des 204e, 246e et 289e régiments d’infanterie. La 56e DI comprend le 294e RI, le 350e RI, le 355e RI, les 65e et 69e Bataillons de chasseurs à pied. La 61eet 62eDI accueillent notamment en leur sein les 264e, 268e, 307e, 308e et 338e RI. Cette bataille qui débute officiellement le 1er juillet 1916 pour s’achever le 18 novembre de la même année, va voir s’affronter, au plus fort des combats, quatre millions de soldats, toutes nationalités confondues, pour la très grande majorité des Fantassins.

           Le général Emile FAYOLLE

 

1,5 million d’obus

La tactique est simple et symbolise celle de toute la guerre : « L’artillerie conquiert, l’infanterie occupe ». C’est pourquoi, avant de lancer l’assaut sur les lignes ennemies, l’artillerie française et anglaise pilonne, du 24 juin au 30 juin 1916, jour et nuit, le camp allemand avec des obus conventionnels et toxiques. L’objectif est de percer le front allemand et d’anéantir les forces ennemies. Plus d’un million et demi d’obus sont expédiés pendant la préparation de l’offensive. Au début de la bataille, c’est plus d’une cinquantaine de régiments d’infanterie qui sont mobilisés, parmi lesquels le 2e, le 26e, le 92e, le 152e et son unité de réserve, le 352e, le 208e, le 265e, le 303e, le 417e et le 418e, pour ne citer que quelques-uns.

10.000 pertes en 3 minutes

Le 1er juillet 1916 à 7h30, 500.000 soldats français et britanniques sont lancés, sur un front de 40 km, dans l’offensive. Interdiction est faite aux hommes, qui ont parfois 35 kilos sur le dos, de courir et de plonger à terre. Thomas Easton, soldat au 2e Bataillon Tyneside Scottish (34e Division) raconte : « Puis, ce fut l’assaut en plein jour, contre les positions allemandes. Les troupes avaient un kilomètre à parcourir avant de les atteindre. Les obus éclataient autour de nous, mais la vue de notre officier, calme, gardant son sang-froid nous rassurait. Puis la mine explosa, il nous semble que la terre tremblait autour de nous, des débris tombèrent sur nous, puis les sifflets retentirent, c’était le signal de l’attaque. Les cornemuses jouaient au milieu de la bataille et nous avancions en rangs serrés, gardant nos distances comme on nous avait appris à le faire à l’exercice. Cela alla bien jusqu’au moment où nous atteignîmes les fils de barbelés des positions allemandes. L’ennemi intensifia son tir et les hommes tombaient fauchés à côté de nous, mais nous devions avancer, ne pas penser à ces canons, ces fusils dirigés contre nous. Nous prîmes enfin possession des lignes allemandes, mais les pertes étaient énormes : un seul officier rescapé sur tout le bataillon, tous les autres morts ou blessés (…) nous comptions les pertes, le nombre de tués : il restait un officier et deux cents hommes sur mille. Beaucoup d’autres bataillons étaient encore plus éprouvés ». En une matinée, 60 000 hommes tombent. 10.000 pertes sont à déplorer en seulement trois minutes.

                                            Les soldats du 318e RI entre deux assauts

 

Le 219e fait 255 prisonniers

Les soldats français, dont les témoignages sont rares et épars sur cette première journée, éprouvent les mêmes sensations que le soldat Easton. En particulier ceux du 43e RI, du 418e RI qui « depuis le 1er juillet, menait un combat obstiné et farouche », note l’historique du 43e RI. Le 219e RI est aussi à l’œuvre. Il stationne aux environs de Foucaucourt : « Dans la matinée du 1er juillet, l’intensité de notre bombardement augmente et nos avions descendent la majeure partie des drachens (ballons captifs, littéralement « dragons ») ennemis, nous assurant ainsi la suprématie dans le domaine de l’air. Le 1er juillet à 9h30, notre infanterie sort des tranchées. Les 5e et 6e Bataillons forment quatre vagues successives (…). A 9h48, le 219e a atteint son premier objectif et les prisonniers commencent à affluer. Dans l’après-midi, une nouvelle préparation d’artillerie permet d’atteindre à 16h15 le deuxième objectif (…) Dans cette première journée, le 219e a fait 255 prisonniers dont cinq officiers, pris trois pièces de 77, neuf mitrailleuses et un nombreux matériel », note l’historique du régiment de réserve du 19e RI. Le capitaine de Kermadec, père de huit enfants, participe à l’assaut. Blessé deux fois, il refuse de se laisser évacuer et remonte à l’assaut où il est blessé une troisième fois. Il est fait chevalier de la Légion d’Honneur. Le sous-lieutenant Emile HUBERT,de la 20e compagnie du 219e RI, a moins de chance que son chef et meurt à l’âge de 31 ans à la tête de sa sectionpendant les combats de Foucaucourt, lors de la toute première attaque du 1er juillet 1916.

                                Le sous-lieutenant Emile HUBERT

 

Désastre britannique

De nombreuses autres unités d’infanterie françaises participent aux assauts sur ces 40 km de front : Le1er Corps d’Armée colonial du général Pierre Berdoulat (1861-1930), appuyé par une division du 35e Corps d’Armée, monte à l’assaut en chantant La Marseillaise : en quelques heures, il s’empare de Fay, Dompierre, Becquincourt, et prend pied sur le plateau de Flaucourt.  Il y a aussi le 110e RI dont une autre partie de ses troupes continue de se battre sur le front de Verdun ; le 37e RI dont les hommes se battent à Curlu, dans les tranchées Gallieni, du Villebrequin, du Marais, mais aussi dans le secteur de Maurepas, à Hem. Les chasseurs du 2e BCP qui ont quitté la célèbre cote 304(Verdun) stationnent près d’Assevillers, Herbécourt, Feuillères. Mais, au soir du 1er juillet 1916, il apparaît clairement que l’attaque est un désastre complet pour l’armée britannique : 19.240 hommes (dont près de 1.000 officiers) ont été tués en douze heures. C’est l’une des journées les plus tragiques de toute l’histoire de cette nation. Les combats se poursuivent tout le long du mois de juillet : « le 20 juillet, une attaque générale se déclenche. Le 4e BCP enlève la tranchée de Koloméa au nord-est d’Hardecourt, mais au prix de lourdes pertes ; il fait appel au 2e BCP qui reçoit l’ordre de mettre quatre compagnies et une compagnie de mitrailleuses à sa disposition. Le capitaine Bécourt est grièvement blessé en apportant son aide au 4e BCP. Les sous-lieutenants Gabel et Barelle sont d’autre part, hors de combat », rapporte l’historique du 2e BCP, qui est relevé dans la nuit du 26 au 27 juillet par le 146e RI.

Légion et troupes coloniales

Le Régiment de marche de la Légion étrangère (RMLE), fusion du 2e Régiment de Marche du 1er Etranger et du 2e Régiment de Marche du 2e Etranger, participe, dès le 1er juillet, à la bataille de Fontaine-les-Cappy et le 4 juillet à celles d’Assevillierset de Belloy-en-Santerre à cinq kilomètres au sud-ouest de Péronne. En dix jours de combats, le RMLE, commandé par le Lieutenant-Colonel COT, perd 25 officiers et 884 sous-officiers et légionnaires. Parmi eux le commandant du 1er bataillon, RUELLAND tué le 9 juillet et le commandant du 3e bataillon, MOUCHET, tué le 6 juillet.
Les troupes coloniales également sont présentes sur le front. Le 1er régiment de Zouaves est au Bois des Chaulnes, au Pressoir et à Ablaincourt. Le 7e RMT qui a été dirigé vers la Somme dès le 20 juin est engagé lui aussi à Belloy-en-Santerre du 6 au 13 juillet 1916 et participe activement à l’attaque du boyau du Chancelier le 11 juillet. Après quelques jours de repos à Estrées-Saint-Denis, il rejoint le secteur de Canny-sur-Matz qu’il tientdu 28 juillet au 29 octobre 1916.Le 8e Régiment de Zouaves stationne à Barleux. Ces unités sont rejointes, en août par le 1er régiment de marche de Tirailleurs (1er RMT) qui fait mouvement le 25 août 1916. Ce dernier, sous les ordres du lieutenant-colonel Care tient, du 5 au 13 septembre 1916, un secteur près de Le Forest, à l’ouest de Bouchavesnes ; il participe à l’attaque du 12 septembre. Ce qui lui vaut sa première citation à l’ordre de l’armée. Le 1er RMT croise la route du 1er Régiment de Marche de Zouaves et Tirailleurs (1er RMZT) qui, le 18 juin avait fait mouvement vers le Hamel. Avec le lieutenant-colonel Lainne à sa tête, il fournit trois efforts importants dans la bataille de la Somme : le 20 juillet, il attaque vers la butte de Maurepas ; du 12 au 18 août, il participe à la conquête de Maurepas ; du 12 au 15 novembre, il attaque la maison forestière dans le secteur de Saint-Pierre-Waast. Le 2e RMZT est engagé à deux reprises sur la Somme : du 27 juillet au 5 août où il s’empare de la ferme de Monacu ; puis du 3 au 14 septembre où il attaque devant Cléry et Bouchavesnes.

35e RIC : 1.000 soldats hors combat

Pendant cette bataille de la Somme, les coloniaux ne cessent de pousser l’ennemi dans ses derniers retranchements : Les 4e RIC, 24e RIC et 44eRIC  sont à Frise en juillet aux côtés du 22e RIC. Pendant ce temps, le 5e RIC est à Barleux et Belloy-en-Santerre de juillet à décembre ! Les 7e et 21e RIC sont à Ebesquincourt, Dompierre, Assevilliers, Rancourt, Belloy-en-Santerre, Villiers-Carbonel et Horgny de juillet à septembre. Ils sont renforcés par le 2e RIC : Dompierre-en-Santerre, tranchée du Poivre (août-sept.) Chuignes (nov.) Fontaine-lès-Cappy (déc.)  Les 23e, 33e, 34e, 35e, 36e , 37 et 38e, 41e et 42e RIC sont aussi de la partie à Cappy, Froissy, à la redoute de l’Eclusier, au bois du Chapitre, Omiécourt, Flaucourt, Herbécourt, Barleux, Villers-Carbonel, Chignoles, au bois de la Vache etc. Pendant les combats de juillet, le 35e RIC a près de 1.000 hommes hors de combat, le 36e en compte 300, le 52e perd 600 hommes dans les tranchées du Calmont et du Stop.

                             La mairie et l’école de Sailly-Saillisel après la bataille de l’automne 1916

 

Bataille de Sailly-Saillisel

Les combats de juillet et août permettent à la VIe armée de progresser sur environ vingt kilomètres de front et cette armée commandée par Emile FAYOLLE fait environ 12.000 prisonniers allemands. C’est l’un des succès les plus significatifs depuis la bataille de la Marne en 1914. Mais les Allemands décident de renforcer leurs lignes en appelant des unités qui se battent à Verdun. C’est pourquoi, en septembre, les combats s’intensifient. Le 9 septembre, les troupes britanniques s’emparent de Ginchy. La Xe armée du général Joseph MicheleR prend les villes de Berny-en Santerre, Déniécourt, Vermandovillers. C’est à cette époque que de nombreuses autres unités viennent s’engager sur le théâtre : les 31e, 33e, 38e, 47e, 54e, 67e, 72e RI, etc. Si la Xe armée fait plus de 1.400 prisonniers, elle connaît aussi de lourdes pertes. Le 158e RI perd 500 hommes, le 159e, 600 soldats. De juillet à octobre, le 208e RI compte 750 hommes hors de combats. 800 pour le 265e et 550 pour le 303e sur la même période. Le 279e RI voit 168 de ses hommes tués : 8 officiers, deux adjudants, neuf sergents, 22 caporaux, six 1ère classe et 121 soldats. Celui qui paie le plus lourd tribut est sans doute le 328e RI qui perd 1.000 soldats de septembre à novembre. La saignée la plus importante au sein des unités françaises a lieu pendant la bataille de Sailly-Saillisel qui débute le 6 octobre et auxquels prennent part les 150e, 154e, 161e régiments d’infanterie, le 9eZouaves, le 8e et 16e BCP. L’attaque est donnée à 14 heures le 6 octobre, sur un front de 25 kilomètres et les objectifs programmés sont vite pris.

arte détaillant la situation des éléments avancés des 205 et 236e RI qui stationnent près de Soyecourt le 11 juillet (extrait du JMO de la 105eBI)

 

Luttes à la baïonnette

« Le 7 octobre, dans un élan admirable, le 2e bataillon franchit sous les tirs de barrage un glacis de 1.500 mètres et s’empare des formidables Tranchées de Teplitz et de Berlin, dernières barrières qui couvrent Sailly. Au cours de la journée le commandant Thomas, héros de Verdun, est tué à la tête de son bataillon. Dans la nuit du 11 au 12 octobre, les 2e et 3e bataillons attaquent par surprise les lisières  ouest de Sailly et, malgré des pertes sensibles, parviennent jusqu’à la route nationale et dans la  cour du château ; là, ils soutiennent des luttes furieuses à la baïonnette et repoussent plusieurs  contre-attaques, attaques, mais, à cause de la nuit d’encre et des difficultés de ce terrain inconnu,  chaotique, ils se replient aux lisières du village », indique l’historique du 150e RI.

Lourd bilan

Dans la nuit du 15 au 16 octobre, la 6e compagnie du 150e régiment parvient à pénétrer dans Sailly-Saillisel où, jusqu’alors, des patrouilles avaient pu, seules, s’aventurer. Les unités des 4e et 42e Divisions d’infanterie tiennent bon les positions malgré les contre-attaques furieuses de l’ennemi jusqu’à ce que ce dernier reprenne la position le 14 novembre. Près d’un mois avait passé en efforts stériles et coûteux, car nos lignes redevenaient ce qu’elles étaient le 18 octobre. La bataille de la Somme prend fin le 18 novembre. Le bilan est très lourd : un million de morts et de blessés. La victoire est très coûteuse : pour à peine 10 km de gagnés, on dénombre 400.000 pertes britanniques (dont 200.000 morts) et 200.000 pertes françaises (dont 66.000 morts). Les Allemands ont perdu jusqu’à 450.000 soldats, dont 170.000 tués. La bataille de la Somme qui aura vu la première utilisation d’un tank le 15 septembre (Mark 1) est l’une des batailles les plus sanglantes de la Première guerre mondiale. Censée être une offensive libératrice, elle se transforme bien vite en une guerre d’usure identique à celle de Verdun, qui se déroule plus à l’Est et éparpille le front. La Bataille de la Somme dans laquelle l’infanterie a une nouvelle fois été décisive, a fait deux fois plus de victimes en deux fois moins de temps que Verdun.

Capitaine (R) Christophe SOULARD

Sources :

http://thomaseaston1916.over-blog.com/2015/04/le-temoignage-insolite-du-soldat-thomas-easton-juillet-1916.html
http://legionetrangere.fr/index.php/79-infos-fsale/633-memoire-bataille-de-la-somme-juillet-1916-avec-le-rmle
http://www.cheminsdememoire-nordpasdecalais.fr/lhistoire/batailles/la-bataille-de-la-somme-juillet-1916.html
http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/la-bataille-de-la-somme-0
http://fr.calameo.com/books/000331627fed3a9b00944
https://books.google.fr/books?id=2fv9CwAAQBAJ&pg=PT103&dq=bataille+de+la+somme+infanterie+fran%C3%A7aise&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjE2-iC1ofNAhWHAsAKHTHXDygQ6AEIHDAA#v=onepage&q=bataille%20de%20la%20somme%20infanterie%20fran%C3%A7aise&f=false
http://www.fortiffsere.fr/armee1914/index_fichiers/Page2299.htm
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/arkotheque/inventaires/ead_ir_consult.php?fam=3&ref=7&le_id=1191
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/arkotheque/inventaires/ead_ir_consult.php?fam=3&ref=7&le_id=1191
http://crdp.ac-amiens.fr/pensa/2_3_en_savoir_plus.php
http://www.museedelaguerre.ca/premiereguerremondiale/histoire/batailles-et-combats/batailles-terrestres/la-somme/
http://www.chtimiste.com/batailles1418/divers/historique110.htm
http://219eri.e-monsite.com/
http://hubert.michea.pagesperso-orange.fr/Pages/lespoilus1418.htm
http://grande.guerre.pagesperso-orange.fr/somme.html
http://www.chtimiste.com/batailles1418/1916somme1.htm
http://centenaire.org/fr/espace-scientifique/pays-belligerants/la-bataille-de-la-somme