Régiment de Marche du Tchad : historique de la Nueve

Historique de la Nueve
Par le LTN Vincent Grillon, 2e section de la 9/RMT

I. Des origines multiples.

Le Régiment de Marche du Tchad.

Comme l’avait pressenti le général De Gaulle, malgré la défaite française de 1940 sur le sol métropolitain face aux armées allemandes, l’empire colonial français peut apporter à la France libre des hommes décidés à poursuivre le combat. Ces colonies constituent un vivier d’hommes qui, équipés et entraînés, pouvaient reprendre le combat. Pour les troupes coloniales, c’est l’heure du choix : se ranger derrière le gouvernement de Vichy et collaborer avec l’Allemagne nazie, ou suivre un général exilé à Londres qui ne promettait que « le combat, le sacrifice et l’espérance » et, tout au bout, la victoire finale.

C’est le Tchad qui se rallie en premier à la France libre et à son chef, sous l’impulsion de son gouverneur, Félix Eboué. Puis c’est l’ensemble de l’Afrique Equatoriale Française (AEF) qui rejoint De Gaulle, les 26, 27 et 28 août 1940. Très vite, les troupes sont réorganisées en vue des campagnes à venir, grâce au Colonel Marchand, gouverneur militaire du Tchad. Le Régiment de Tirailleurs Sénégalais du Tchad (RTST), déjà rallié à De Gaulle le 25 août, est rééquipé et très vite lancé dans des raids à travers le désert.

Pour affirmer au reste du monde et à ses alliés que la France continue à se battre, De Gaulle ordonne au colonel Leclerc d’attaquer les garnisons italiennes de Libye, située au Nord du Tchad. L’entreprise est audacieuse : avec peu de matériel, seulement deux canons de 75, la « colonne Leclerc » va faire plusieurs milliers de kilomètres à travers le désert, afin d’attaquer la garnison de Koufra. En mars 1941, après quelques combats d’approche, le fort italien est en vue. N’ayant gardé qu’un seul canon, Leclerc lui fait changer de position autour du fort après chaque tir, afin de faire croire à l’ennemi qu’il en possède plusieurs. La garnison italienne finit par se rendre.

C’est alors, une fois le drapeau français hissé à la place de l’italien, en présence des troupes rassemblées, qu’est prononcé par Leclerc le célèbre serment : « Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg ». Une telle affirmation, en plein cœur du désert libyen, semble alors irréelle. Elle est pourtant le signe d’une indestructible volonté de revanche et de la certitude que la guerre peut encore être gagnée.

Après la prise de Koufra, le RTST participe à la campagne du Fezzan puis à celle de Tunisie aux côtés de la VIIIe Armée britannique.

A partir d’éléments du RTST et d’hommes venus d’autres unités, est créé un régiment de marche, baptisé Régiment de Marche du Tchad, en mai 1943. Il est rééquipé au Maroc et embarque à Casablanca pour rejoindre Londres en 1944, en prévision du débarquement en France.

Les combattants de la Guerre d’Espagne.

Il convient de rappeler un conflit important, car il précède de peu la Seconde Guerre mondiale et aura une incidence sur la future création de la 9e compagnie : la Guerre civile espagnole (1936-1939).

Elle oppose les camps « nationaliste » dirigé par le général Franco, au camp « républicain » formé de révoltés contre le pouvoir légal.

Le camp nationaliste ou « franquiste » est soutenu par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste qui lui envoient du matériel, des armes et des combattants volontaires.

Le camp républicain est composé de tendances diverses : des démocrates, des socialistes, des anarchistes, des communistes… Il est soutenu par l’URSS qui lui fournit de son côté armes et matériel. Les objectifs sont eux aussi divers : créer une république démocratique, instaurer un régime collectiviste…La France et la Grande-Bretagne restent officiellement neutres dans le conflit, mais laissent partir les volontaires qui rejoignent les Brigades internationales dans le camp républicain.

Cette guerre civile, cruelle, se solde par la défaite du camp républicain en avril1939 et l’instauration du régime franquiste. Pour les survivants des Brigades internationales et du camp républicain, c’est l’heure du reflux, lorsque cela est possible.

Ils sont ainsi des centaines de milliers à fuir et à franchir les Pyrénées pour se réfugier en France. On les estime à 500.000 personnes. Les autorités françaises en internent 275.000 dans des camps improvisés, dans le Sud de la France : Argelès, Saint-Cyprien, Barcarès, Bram ou encore Gurs. Les conditions de vies y sont difficiles : les installations sanitaires les plus simples y font défaut, la dysenterie y fait des ravages.

Dans ces camps, une vie culturelle et politique s’organise. Nombreux sont les anciens combattants républicains qui veulent continuer la lutte contre le fascisme. Dans les camps, les gendarmes français circulent et les incitent à s’engager dans la Légion étrangère. Le souci des autorités est ici avant tout de désengorger les camps. On dénombre 10.000 Espagnols qui s’engagent en 1939. D’autres seront affectés dans des usines d’armement ou à des travaux de terrassement .

Nombreux seront les Espagnols à rejoindre divers mouvements de résistance armée en France métropolitaine.

C’est dans ce vivier de combattants acharnés et n’ayant plus rien à perdre, que la 9e Compagnie du RMT puisera l’essentiel de ses effectifs. On trouve des Espagnols dans d’autres unités de la 2e Division Blindée (DB), mais c’est à la 9e compagnie qu’ils sont majoritaires.

Les Corps francs d’Afrique.

L’Etat français envoie des réfugiés espagnols travailler en Afrique du Nord. Ils profitent du débarquement américain de novembre 1942, pour s’engager dans les Corps Francs du général de Montsabert. Formés au Maroc, les Corps Francs d’Afrique rassemblent des volontaires d’origines diverses ; ils sont équipés de matériel britannique. Cette unité va se battre courageusement en Tunisie, au sein de la Ve Armée américaine, lors de la prise de Bizerte en 1943.

Ils sont par la suite intégrés à la 2e DB. Le premier fanion de la 9e compagnie du RMT rappelle, par un écusson, l’origine des Corps Francs d’Afrique.

La création de la Nueve.

Lorsque est créée la 2e DB, à l’été 1943, 20% des 16.000 hommes de la division sont espagnols. La 2e DB, unité moderne équipée de matériel américain, représente un mélange de combattants venus d’horizons les plus divers : soldats de l’Armée d’Afrique, troupes coloniales d’Afrique noire, citoyens français mobilisés en Afrique du Nord, prisonniers de 1940 évadés ayant traversé l’Espagne… Tous ont en commun la volonté de libérer la France de l’occupant. Le général Leclerc, commandant la division, avait clairement affirmé son souci de réunir ceux qui veulent continuer le combat, quelles que soient leurs origines et leurs opinions politiques ; il se disait ainsi prêt à accueillir des communistes, lui qu’on qualifiait de « calotin » ! Des républicains espagnols, la plupart communistes ou anarchistes, ne pouvaient donc que trouver leur place au sein de la 2e DB.

C’est pendant l’hiver 1943-1944 qu’est créée et que s’entraîne la 9e compagnie du RMT, en Afrique du Nord (en Algérie puis au Maroc). Elle y reçoit son matériel.

Les hommes de la 9e compagnie, n’oubliant pas leurs origines appellent vite leur unité la « Nueve ».

La 9e compagnie prend place dans la IIIe bataillon du RMT, commandé par le chef de bataillon, puis lieutenant-colonel Putz, un ancien volontaire des Brigades internationales. Le capitaine Raymond Dronne est choisi pour commander la compagnie, car il parle couramment espagnol : cela se révèle très utile, car à la Nueve, on parle essentiellement castillan.

La Nueve est incontestablement, par sa composition et son esprit, une unité particulière, qui ne ressemble pas à une unité classique de l’armée régulière.

Laissons à Louis Stein le soin d’en brosser le portrait, en lui empruntant quelques lignes :

« Des Espagnols sont disséminés dans toute la 2eDB, mais ils prédominent surtout dans le régiment d’infanterie du Tchad et dans la 9e compagnie de chars du 3e bataillon. Putz, un vétéran français des Brigades internationales commande le 3e bataillon et Raymond Dronne, la 9e compagnie. Pour les officiers français, apparemment, cette dernière affectation « n’était pas de la tarte » : avant la sélection de Dronne, plusieurs d’entre eux l’avaient refusée. « A vrai dire, écrit celui-ci, la compagnie inspirait de la méfiance à tout le monde et personne ne voulait en prendre le commandement. » Si le capitaine Dronne est finalement choisi, c’est parce qu’il parle couramment l’espagnol, a passé beaucoup de temps en Espagne avant la guerre et, facteur peut-être plus important encore, est entré dans la Résistance dès le début. La plupart des Espagnols sont anarchistes, un certain nombre d’entre eux, socialistes et modérés. Quand la 9è compagnie débarque en Normandie au début du mois d’août 1944, elle compte cent quarante-quatre Espagnols. Seuls seize d’entre eux survivront à la traversée de la France, puis à celle de l’Allemagne.

Dronne trouve les Espagnols « à la fois difficiles et faciles à commander ». Ils restent sur leurs gardes jusqu’à ce que leur officier ait fait ses preuves, mais, une fois qu’ils accordent leur confiance, celle-ci est « totale et complète ». Ils veulent absolument connaître les raisons des tâches qu’on leur demande d’accomplir, mais, quand on les leur a expliquées et qu’ils les approuvent, ils les exécutent avec une résolution inébranlable. « Ils n’avaient pas l’esprit militaire, écrit Dronne. Ils étaient presque tous antimilitaristes, mais c’étaient de magnifiques soldats, vaillants et expérimentés. S’ils avaient embrassé spontanément et volontairement notre cause, c’était parce que c’était la cause de la liberté. Oui, en vérité, c’étaient des champions de la liberté . »

Lorsque est créée la Nueve, seuls le capitaine Dronne, l’adjudant-chef Neyret, le sergent-chef Handos de Possesse sont des Français de métropole.

On y trouve aussi quelques Français d’Afrique du Nord, quelques Allemands anti-nazis (tel le sergent-chef Reiter), un italien, des Portugais. La plupart des sous-officiers sont espagnols.

Lorsque le RMT campe en Angleterre, la 9e compagnie s’installe à Poklington (Yorkshire) et s’y entraîne. La campagne de France est proche.

II. La Nueve au combat.

L’histoire des combats de la 9e Compagnie se confond avec celle du RMT et de la 2e DB, dont elle suivra, voire ouvrira le chemin.

La 2e DB débarque en Normandie du 31 juillet au 4 août 1944. Elle est organisée en groupements tactiques, prenant chacun la première lettre du nom de son chef : GTD (Dio), GTL (de Langlade) et GTV (colonel Warabiot ; le V est plus simple à utiliser que le W). C’est dans ce dernier groupement qu’est intégrée la 9e compagnie.

La 2e DB enveloppe les Allemands de Normandie en prenant Rennes, Château-Gontier, Le Mans, Alençon. Le GTV est en réserve.

Le 12 août, le GTV passe en tête. Il prend Sées, puis fonce sur Ecouché.

La bataille d’Ecouché.

La 9e compagnie et la 1ère compagnie du 501e Régiment de Chars de Combat (RCC) sont engagées. Après une progression par les petits chemins ponctuée de quelques engagements, elles surprennent au soir une colonne motorisée allemande et la détruisent.

Le 13 août, la 9e compagnie arrive à Ecouché. Elle surprend une autre colonne ennemie et la détruit. Elle se bat contre des SS.

La position d’Ecouché est une pointe dans le dispositif allemand. La Nueve va tenir la position pendant une semaine, jusqu’au 18 août. Les combats sont violents et la compagnie enregistre des pertes : 7 tués et 10 blessés. L’ennemi subit des pertes plus lourdes encore : 400 véhicules sont détruits, ses pertes nombreuses.
La Nueve quitte Ecouché le 23 août. Elle combat au Sud de Paris toute la journée du 24 et est stoppée devant Fresnes.

La libération de Paris.

S’il est aujourd’hui bien connu que c’est la 2e DB qui a libéré Paris, le fait que ce sont les hommes de la Nueve qui y sont entrés les premiers l’est beaucoup moins.

Les américains avaient promis au général De Gaulle que les troupes françaises entreraient les premières dans la capitale. Le 24 août, la 2e DB a beau être proche de Paris (stationnée à Rambouillet), l’ordre formel ne vient toujours pas. Les Américains semblent vouloir encercler Paris pour obliger les Allemands à l’évacuer d’eux-mêmes. Bien que dépendant du général américain Gerow, le général Leclerc décide de passer outre et donne l’ordre au capitaine Dronne de foncer sur Paris : « Filez directement à Paris et entrez-y ». Et Leclerc d’ajouter : « Passez par n’importe quel moyen. Il faut absolument entrer dans Paris. » Il est alors 19 heures 30. Il s’agit avant tout de ne pas se laisser dépasser par les Américains et de faire libérer la capitale de la France par l’armée française elle-même. Et entrer dans Paris est d’autant plus urgent que l’insurrection de la résistance parisienne a déjà commencé, le 18 août et les combats sont violents ; il importe de venir en aide aux insurgés le plus vite possible.

Dronne envoie ses sections de half-tracks, commandées par le lieutenant Ellas et le sergent Campos, soit 22 blindés et 120 hommes. A 20 heures 20, la 9e compagnie entre dans Paris par la Porte d’Italie, derrière le lieutenant Amado Granell bras droit du capitaine Dronne; à 21 heures 30, elle est place de l’Hôtel de Ville. Ce sont ainsi les blindés conduits par des Espagnols qui libèrent Paris ; ils portent des noms symboliques : « Guadalajara », « Madrid », « Guernica », « Belchite », « Guizpuscoa » ou « Brunete ». Certains arborent un petit drapeau républicain espagnol. L’accueil des Parisiens est enthousiaste : comprenant qu’il s’agit de tankistes espagnols, ils crient « Vive les Espagnols ! »

Le blindé « Guadalajara » devant l’Hôtel de Ville

En 2004, lors des cérémonies de la libération de Paris, un journaliste a retrouvé Luis Royo-Ibanez, qui était présent dans le détachement de l’Hôtel de Ville.

Celui-ci raconte :

(Nous sommes entrés) « Par la porte d’Orléans, et toujours guidés par les FFI car nous ne disposions d’aucun plan et ne connaissions pas la route. Avec un premier objectif : l’école militaire. Là, nous avons été accueillis par des tirs nourris provenant des maisons entourant les Invalides. Ce n’étaient pas les Allemands mais la milice française. Une fois cette poche éliminée, nous avons reçu l’ordre de rejoindre l’Hôtel de Ville, toujours en compagnie des FFI. Il y avait beaucoup de monde. Le Half-Track Madrid a pris position devant la porte centrale. Imaginez notre joie et notre fierté.

Pourtant, un événement nous a choqués. Plusieurs individus ont entraîné des femmes pour les tondre sur la place. Un spectacle insupportable, qui en rappelait d’autres : les troupes franquistes pratiquaient de la même manière en Espagne. Nous les avons dispersés en leur disant : Vous voulez en découdre ? Alors prenez les armes, partez sur le front, combattez les Allemands et laissez ces femmes tranquilles. Ils ont quitté les lieux. Je sais qu’ils ont continué un peu plus loin leur sinistre besogne. Nous avons demandé à nos officiers d’informer Leclerc ».

Dronne est reçu par le Comité national de La Résistance, présidé par Georges Bidault. La compagnie se met en position défensive autour de la place de l’Hôtel de Ville ; ils mettent en batterie un canon surnommé « El Abuelo » (Le Grand-père).

        De Gaulle et Leclerc passent La Nueve en revue.

 

Des combats ont lieu au Luxembourg et aux Invalides, pour réduire les dernières poches de résistance allemandes. Le 25 août, la Nueve s’empare du central téléphonique Archive, miné par les Allemands ; ce sont ceux-ci qui doivent alors le déminer.

Durant les combats livrés dans Paris, la 2e DB est renforcée par des résistants espagnols qui s’y trouvaient. Un groupe, mené par Julio Hernandez, pénètre même dans l’ambassade espagnole pour y hisser le drapeau républicain !

Le 26 août, c’est le défilé de la Victoire de l’Arc de Triomphe à Notre-Dame. La Nueve assure la protection immédiate du général De Gaulle et du Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF).

Le capitaine Dronne et le général Leclerc.

Du 1er au 8 septembre, la Nueve campe au Bois de Boulogne. Le chef de bataillon Putz écrit le 5 septembre 1944 : « Il était à craindre qu’au cours du stationnement à Paris et au Bois de Boulogne l’unité ne se dissolve plus ou moins à l’instar des Soldats d’Hannibal dans les délices de Capoue. Si le départ de Paris est indispensable à bref délais, la détente qu’aura occasionné le séjour dans la capitale aura été salutaire, la discipline ayant pu malgré les difficultés être maintenue intacte (…) De nombreux engagés ont été incorporés, tant pour combler les pertes que pour combler les déficits initiaux. Ils se fondront rapidement dans le creuset. Il serait à souhaiter que leur habillement puisse être réalisé au plus tôt. C’est une condition pour que la fusion s’opère pleinement.

En résumé, moral solide faisant bien augurer des jours à venir . »

Le 8 septembre 1944, la compagnie quitte le Bois de Boulogne à 6 heures 45 et suit sa route sans difficultés : Porte de Passy, Bonneuil, Tournan, Rozay-en-Brie, Gastins, Nangis, Villeneuve, Montereau, Villeneuve-l’Archevêque.

Les combats d’Andelot.

Le 11 septembre, le GTV reçoit la mission de pousser vers la Moselle au Nord d’Epinal, puis d’atteindre la rive droite de la Marne dans la région de Bettaincourt et Andelot, tenue par les Allemands.

Le 12 septembre, les capitaines Branet et Dronne envoient un ultimatum aux Allemands, qui reste sans effet. Le général Billotte, commandant le GTV, décide d’attaquer le village d’Andelot à 13 heures 30. L’infanterie progresse, appuyée par les chars. L’artillerie prépare l’attaque. Les Allemands finissent par se rendre. L’opération prend fin à 15 heures 30. La Nueve fait 300 prisonniers.

Les combats du secteur de Mattaincourt.

Dès 17 heures, la compagnie doit repartir en direction de Vrecourt, puis de Vittel. Elle y arrive le soir, après que la ville ait été prise par le GTL.

Le lendemain, c’est le départ vers Remoncourt où les Allemands sont retranchés avec une forte artillerie. Les canons allemands sont détruits par les chars. Une vingtaine d’Allemands sont tués, 79 sont faits prisonniers.
Le 14 septembre, la Nueve fait mouvement sur Velotte, où les Allemands et leur colonel se rendent sans tirer.
La résistance est plus vive devant Mattaincourt. Après quelques tirs d’artillerie, l’ennemi se rend, on compte 91 prisonniers.

Les batailles de Châtel-sur-Moselle.

Le lendemain 15, Châtel-sur-Moselle est la nouvelle destination. Le GTV, divisé en trois sous-groupements (Dronne, Branet et Davreux) progresse sous les feux de l’artillerie allemande. Il prend Châtel et le dépasse, avant de s’y replier et de s’y retrancher.

Des patrouilles vont le 16 septembre observer les abords de Vaxoncourt tenu par les Allemands. Elles rapportent que d’importants éléments ennemis sont prêts à attaquer.

L’attaque allemande débute à 17 heures, lancée par des chars et de l’infanterie. La Nueve tient bon, grâce au soutien efficace de l’artillerie qui immobilise deux chars allemands. Vers 22 heures, le combat semble finir. L’ennemi repasse à l’attaque à 23 heures, tentant de remorquer ses chars endommagés. Les combats continuent durant la nuit et la 9e compagnie inflige de lourdes pertes à l’ennemi. La Nueve subit elle aussi des pertes : 2 tués, 9 blessés. Parmi ceux-ci, le sergent Pujol qui va se faire panser et regagne son poste, refusant d’être évacué.

A 2 heures du matin ordre est donné de se replier de l’autre côté de la Moselle. La compagnie évacue en bon ordre, malgré la colère des hommes qui avaient tant peiné à tenir Châtel. Elle traverse la Moselle sans aucune perte, les Allemands n’ayant pas attaqué, et se met au repos dans le village de Jorxey.

Le 18 septembre, la compagnie doit repartir à 17 heures 30 pour reprendre Châtel. Le Génie établit des passages sur la Moselle, les ponts ayant été détruits. La 10e compagnie du RMT doit prendre Châtel au Nord, la 9e compagnie au Sud. Les deux compagnies passent la Moselle et s’installent dans le village sans rencontrer de résistance.

19 septembre : la journée débute sous les obus allemands qui pleuvent sur le village et le pont en construction. Une attaque d’infanterie allemande est repoussée, mais les tirs de harcèlement ennemis continuent et il faut chercher les munitions qui commencent à manquer de l’autre côté de la Moselle, en passant sur la passerelle démolie.

A 10 heures, les half-tracks et les chars arrivent en renfort. Trois détachements sont formés pour élargir la tête de pont française. Malgré l’artillerie ennemie, Vaxoncourt est pris à 12 heures 30 et le village de Pallegney est occupé par les chars des Spahis.

Au soir du 19 septembre, l’ennemi a plus de 100 tués et 85 Allemands sont faits prisonniers ; il a en outre laissé sur le terrain beaucoup de matériel. La Nueve n’a pas à déplorer de tués, mais elle a de nombreux blessés dont 11 doivent être évacués.

Toute la journée du 20 septembre, les GTV se maintient sur ses positions, essuyant les obus allemands. Des patrouilles vont reconnaître les abords des positions ennemies. Le soir, des Fusiliers-marins viennent relever deux groupes trop épuisés pour la surveillance de nuit.

La Nueve s’installe au repos à Rehaincourt, jusqu’au 30 septembre ; elle révise son matériel et instruit les nouvelles recrues.

Le 25 septembre, à Nancy, le capitaine Dronne reçoit du général De Gaulle la Croix de Compagnon de la Libération.

La progression reprend.

Le 1er octobre 1944, la compagnie reçoit pour mission de couper la route Rambervillers-Baccarat entre Anglemont et Baccarat. Elle s’installe dans Xaffevillers et commence ses patrouilles. Des échanges d’artillerie ont lieu.

Le 14 octobre, une patrouille tombe dans une embuscade ; elle déplore 2 tués et un blessé grave. Il faut désembourber un char, pendant deux heures, sous les obus.

La Nueve reprend la route le 30 octobre au matin. Elle doit contourner Hablainville par le Nord puis passer la Verdurette, ruisseau qui n’est franchissable pour les véhicules que par un pont. Elle s’arrête à Buriville à 8 heures 30.

La progression reprend et c’est l’attaque d’Hablainville, dans laquelle les Allemands se défendent au canon et à l’arme automatique. Une partie du village est minée. Hablainville est occupé à 9 heures 15, mais subit toujours l’artillerie allemande, tandis que des maisons et l’église brûlent.

La compagnie occupe les villages au bord de la Verdurette. Ceux-ci sont déserts, mais reçoivent toujours des obus allemands. Le détachement Dronne est à Vaxainville. Il franchit la Verdurette pour aller occuper Vacqueville. Mais les véhicules s’embourbent, la progression est difficile, même à pied. Il s’arrête à la lisière Sud-Ouest de Vacqueville à la tombée de la nuit, car tous les véhicules ne l’ont pas encore rejoint. Des chars allemands sont décelés dans le village.

Les combats pour la prise de Vacqueville.

Ils commencent le lendemain 1er novembre. La 9e compagnie est renforcée par deux sections de chars du 501e RCC. Une préparation d’artillerie précède l’avancée des véhicules. Partout, la résistance ennemie est vive. Les canons français affrontent les chars allemands. Le pont qui a été miné est détruit par le Génie. Le capitaine Dronne fait jeter dans le ruisseau des rondins d’une barricade allemande puis fait passer ses blindés. Le général Leclerc arrive alors pour s’informer de la situation. L’aviation attaque au Nord-Est le bois Godfrin et le bois des Boules. Le village de Vacqueville est pris.

A la fin de la journée, l’ennemi a laissé sur le terrain 2 chars Mark IV, un canon d’infanterie, 3 véhicules blindés, 5 armes automatiques ; il a perdu une cinquantaine d’hommes et 42 hommes sont faits prisonniers, dont 2 officiers (23 ont été capturés par la Nueve).

La 9e compagnie déplore 3 tués. Sur 3 chefs de section, 2 sont hors combat.

Le 3 novembre, les Américains relèvent la compagnie qui repart le lendemain. La Nueve n’a plus que 2 officiers, 236 sous-officiers et militaires du rang. Elle se repose à Azerailles.

Du 10 au 13 novembre, la compagnie remonte en ligne puis retourne au repos à Azerailles le 14.

Le 15 novembre, 36 permissionnaires partent pour Nancy à 8 heures. Le capitaine Dronne est parti en permission la veille. A 14 heures 45, ordre est donné à la compagnie de partir d’urgence à l’assaut de Badonviller. Le lieutenant Granell, qui remplace le capitaine Dronne, fait rappeler les permissionnaires et cherche à rassembler les hommes au repos dans tout le village, alors que ceux-ci lavent leurs effets.
Les permissionnaires arrivent dans la nuit, en retard, certains manquant à l’appel. Le départ ne se fait que le lendemain 17 novembre au petit jour.

Lorsque la compagnie arrive en vue de Badonviller, les combats font déjà rage. Les Allemands tiennent solidement le village. La Nueve progresse rue par rue, maison par maison. Les points de résistance ennemis sont détruits peu à peu. La compagnie a trois officiers sur quatre hors de combat. Lorsque le village est pris à midi, les pertes sont élevées, les hommes fatigués. Le bilan est de 6 tués (le sous-lieutenant Kron décèdera plus tard des suites de ses blessures), 11 blessés évacués, 3 blessés non évacués.

Malgré cela, le lieutenant-colonel La Horie, commandant le groupement, donne l’ordre d’attaquer Bremenil. A 14 heures, c’est le départ, quand arrive un contrordre : se mettre en bouchon sur le carrefour Nord-Est du village et en défense entre le cimetière et la route de Montreux. A 17 heures, la compagnie est relevée par la 12e compagnie et se place en réserve.

La Nueve a, au cours de la journée, tué une cinquantaine d’ennemis, fait 153 prisonniers, pris 60 fusils et 12 mitraillettes.

Le 18 novembre, la compagnie apprend la mort du lieutenant-colonel La Horie, qui était apprécié de tous. La Nueve reçoit l’ordre de s’installer à Sainte Pôle ; le départ est remis au lendemain.

Le 20 novembre, la compagnie reçoit le renfort de 76 gradés et militaires du rang. Le capitaine de Castellane en prend temporairement le commandement, en attendant le retour du capitaine Dronne.

Le 21 novembre, la Nueve fait mouvement en direction de Saverne ; elle s’installe à 20 heures à Birkenwald. Le lendemain, la compagnie est réorganisée en deux sections (lieutenant Granell et adjudant Moreno). Elle reçoit de plus 25 hommes sous les ordres de l’aspirant d’Aboville.

On lui annonce que le général Leclerc a décidé de prendre Strasbourg le lendemain. La Nueve devra participer à l’établissement d’une tête de pont à Kehl.

La prise de Strasbourg.

Le lendemain 23 novembre 1944, la 9e compagnie part de Marmoutier à 8 heures. Formée de trois détachements, elle progresse à travers la plaine d’Alsace sans difficultés majeures. La Nueve arrive ainsi aux abords de Strasbourg, à la hauteur du village de Neuhof où elle attaque des nids de mitrailleuses et des canons de 88 allemands. Du matériel ennemi est capturé, ainsi que 500 prisonniers. Deux des détachements foncent sur Strasbourg.

C’est ce jour du 23 novembre 1944 que la 2e DB libère la ville et hisse le drapeau français sur la cathédrale : le serment de Koufra est tenu !

Le 24 novembre, la compagnie est en mission de surveillance des abords du Rhin.

Le capitaine Dronne rentre de permission le 27 novembre. La Nueve doit partir le lendemain pour faire la jonction avec la 1ère Armée française du général De Lattre de Tassigny ; elle renforce le GTD.

Les jours suivants, la progression est ralentie par les embouteillages d’unités mélangées et par les ponts détruits.

Le GTD atteint Erstein le 29 novembre.

Le 2 décembre, c’est l’attaque de Herbsheim qui est pris. Les sous-groupements campent à Rossfeld, Schaeffersheim et Gerstheim. Des avions allemands mitraillent les troupes au sol durant la journée du 4.
Du 6 au 11 décembre, la compagnie instruit les nouvelles recrues.

Le 12 décembre, le GTV doit renforcer un bataillon de parachutistes pour prendre Witternheim.

L’attaque de Witternheim.

Une section de la 9e compagnie, renforcée de 2 chars et d’un half-track, doit nettoyer un bois aux abords de Witternheim. C’est chose faite à 8 heures 30. La Nueve doit alors attendre les parachutistes qui prendront le village. Mais ceux-ci tardant à arriver, le lieutenant Dehen profite de la position avantageuse de sa section et poursuit l’ennemi sur 500 mètres. Il entre dans le village à 9 heures 15, essuyant les obus français puis allemands. Lorsque les parachutistes arrivent sur place, le village est déjà pris. Les Allemands ont perdu 35 tués, 21 prisonniers. La 9e compagnie n’a qu’un seul blessé.

Pendant l’action sur Witternheim, Dronne et une section du Génie déminent les abords du village.

La 9e compagnie échoue pourtant le lendemain à prendre Bindernheim. Elle fait mouvement vers le village à 8 heures, le brouillard masque les maisons. C’est tout près du village que Dronne apprend que des chars allemands sont sur place. Ceux-ci se mettent à tirer, appuyés par leur artillerie. Les parachutistes ne réussissent pas mieux à progresser et ordre est donné le soir de se replier sur Witternheim. La compagnie déplore 5 tués et 4 blessés évacués.

Les unités se retranchent dans Witternheim et Neunkirch.

Les positions de la 9e compagnie subissent quelques tirs d’obus dans la journée du 15 décembre. Les chars allemands se rapprochent mais n’attaquent pas, ni le lendemain.

Le 17 décembre, les Allemands se retranchent dans les bois face aux troupes françaises, en utilisant des abatis ; ils tirent quelques obus.

Les journées des 18 au 25 décembre voient pleuvoir les obus ennemis. L’artillerie française riposte. La 9e compagnie est relevée par la 10e compagnie le 26. Elle a eu 2 tués, un disparu, 11 blessés évacués et 6 blessés légers. Elle a néanmoins infligé à l’ennemi 54 tués et fait 51 prisonniers. Elle se repose à Kertzfeld jusqu’au 1er janvier 1945.

La Nueve repart le 2 janvier, car les Allemands ont attaqué en Lorraine du Nord. Elle s’installe à Burbach, où elle continue l’instruction des recrues jusqu’au 18 janvier.

Le 19 janvier, les GTV repasse par Saverne enneigée et stoppe à Griesheim à cause de la glace qui rend la route impraticable.

Le GTL doit le 2 janvier contourner les troupes allemandes pour les prendre à revers, alors qu’elles sont aux prises avec les troupes américaines et françaises entre Sélestat et Colmar. Les blindés sont blanchis à la chaux. Le GTL est à Sélestat le 23.

La 9e compagnie reçoit son ordre de départ en pleine nuit le 25 janvier. Elle s’installe près de Guemar à la tombée de la nuit suivante.

Le 26 janvier, à 2 heures du matin, le capitaine Dronne reçoit pour mission d’aller renforcer la Légion qui piétine dans le bois d’Elsenheim ; il s’agit de l’appuyer pour qu’elle puisse prendre la localité. La Nueve devra d’abord prendre le carrefour 177.

Pour mieux se camoufler, la compagnie est entièrement vêtue de blanc. Elle se met en route à 8 heures, appuyée par des chars du 501e RCC. Les routes sont très glissantes.

Le groupement subit des tirs, puis détruit 3 blindés allemands. Il dépasse le carrefour 177 puis essuie des tirs qui incendient 2 half-tracks. La 9e compagnie s’installe autour du carrefour en point d’appui fermé. Seuls quelques obus ennemis sont tirés. En fin de journée, le bilan est de 2 tués, 3 blessés et 3 half-tracks détruits pour la Nueve.

Le 27 janvier, la Légion progresse et la section Moreno va occuper un bois à l’Ouest. Cette section subit un violent tir d’artillerie ; elle a 4 blessés et se replie.

Le froid est très vif et le 28 janvier, 17 malades sont évacués, presque tous pour pieds gelés. Ce même jour, le sous-groupement du lieutenant-colonel Putz attaque Grussenheim. La Nueve apprend avec douleur la mort du lieutenant-colonel Putz et du commandant Puig du GTV. Elle perd également 2 hommes dans un bombardement aérien.

Le froid augmente le lendemain : – 22 degrés. 9 hommes aux pieds gelés sont encore évacués. Une attaque est prévue sur la rivière Blind, mais les renforts n’arrivent pas. L’attaque n’a lieu que le soir, avec des pertes sévères.

Le 31 janvier, le lieutenant Dehen va reconnaître le village d’Elsenheim qui est occupé à 14 heures. L’artillerie ennemie frappe toujours. Les Fusiliers-marins s’emparent de Marckolsheim et prennent le seul pont qui n’ait pas été détruit sur le Rhin. La compagnie espère un peu de repos, mais elle doit repartir après 21 heures, pour couper la retraite allemande de Marckolsheim. Elle atteint ses objectifs avant minuit, sans dommages car l’ennemi a évacué. La moitié Nord de la poche de Colmar est ainsi liquidée.

Les 1er et 2 février sont des journées calmes. Le général Leclerc vient à Marckolsheim visiter la compagnie. Le 3 février, la compagnie s’installe à Krautergersheim où elle reste jusqu’au 14 février. Le lendemain, elle part pour la Lorraine du Nord et s’installe à Arraincourt. Périodes d’instruction et de permission se succèdent.
Le 5 mars, la Nueve s’installe dans le village de Vicq-sur-Nahon. Là, elle continue l’instruction, alternant avec les permissions.

Le 29 mars, le capitaine Dronne est décoré de la Légion d’honneur.

Le 30 mars, un détachement de la Nueve et le capitaine Dronne partent pour Paris pour y défiler le 2 avril.
Le 31 mars, le capitaine Dronne est promu chef de bataillon, le lieutenant Dehen est promu capitaine.
Du 1er au 21 avril, la compagnie se prépare à partir pour l’Allemagne. Le commandant Dronne quitte la compagnie qui est désormais commandée par le capitaine Dehen.

La campagne d’Allemagne.

La 9e compagnie entre en Allemagne le 25 avril 1945, à Rastatt. Elle traverse Karlsruhe et passe la nuit à Heilbronn. Le 30 avril, elle est à Landsberg et cantonne à Unter-Sochering le 1er mai.

Le 3 mai, avec les Spahis du 1er Régiment de Marche de Spahis Marocains (RMSM), la Nueve fait mouvement vers l’Autobahn. Un half-track est déchenillé par un obus allemand dans la vallée de l’Inn. La résistance ennemie se fait sentir et la compagnie passe la nuit à Inzell.

L’ennemi (2 compagnies) tient solidement un pont et un hameau. La 9e compagnie déborde le pont par les hauteurs, appuyée par les chars du 501e RCC. Les objectifs sont atteints, mais le pont est endommagé (un pont provisoire est lancé par le Génie). La Nueve perd un homme, soldat Bolgoff, qui sera son dernier tué. Les tirs d’artillerie allemande, venant des hauteurs et très nourris, font 10 blessés. Avec l’aide de l’artillerie du GTV, la Nueve prend le village de Weissbach dans l’après-midi et y passe la nuit, avec des parachutistes de la 101e division US.

Le 5 mai, le capitaine Dehen part à l’assaut de la montagne en laissant ses véhicules en bas. Les armes sont portées dans des poussettes d’enfants trouvées dans le village. Les pentes sont raides et les hommes peinent. Peu à peu, les résistances allemandes cessent.

La rivière Saalach, en crue, est franchie sur un pont de singe improvisé. Le capitaine Dehen prend avec lui un groupe d’hommes valides et fonce sur Ramsau où une compagnie allemande en armes l’attend pour se rendre. Il leur demande un autocar et un véhicule puis continue vers Berchtesgaden. Il n’y arrivera pas le premier, le GTV y étant depuis la veille.

Le 6 mai, la compagnie cantonne à Schonau, près de Koenig-See.

Lorsque prend officiellement fin la guerre, la Nueve est au repos et visite le PC de Hitler, l’Oberzalzberg. Le 9 mai, elle cantonne à Machtfling, dans la région de Munich. Les jours suivants, la compagnie recueille le frère d’un de ses soldats, Ami Robert, déporté à Dachau. Il est soigné et rentrera en France avec la Nueve.

Le 19 mai, le général De Gaulle passe la 2e DB en revue sur le terrain d’aviation de Munich. La 2e DB rentre ensuite en France.

La 9e compagnie s’installe à Voulx (Yonne). Elle a la joie de défiler au complet sur les Champs-Élysées le 18 juin 1945.

L’épopée de la Nueve prend fin en juillet 1945, à Voulx, lorsqu’elle est officiellement dissoute et que ses effectifs sont démobilisés.

Epilogue ?

L’épopée de la Nueve s’est achevée en juillet 1945, avec sa dissolution. Pour les Espagnols de la compagnie, il n’est alors pas possible de retourner en Espagne, désormais franquiste. Cela représente pour certains une déception : ils espéraient rentrer au pays les armes à la main avec l’aide de la France, après avoir libéré celle-ci. Il n’en sera rien.

Ces Espagnols se dispersent alors, cherchant à trouver une place dans la société civile. Ils n’oublient pas les combats vécus ensemble. Ainsi, le capitaine Raymond Dronne accueille-t-il régulièrement chez lui les anciens de sa compagnie, venus chercher auprès de lui soutien et conseil.

Si la 9e compagnie a été dissoute, le Régiment de Marche du Tchad continue son existence, servant la France et entretenant la culture propre aux Troupes de Marine.

Au fil du temps et des nécessités du moment, la composition des unités militaires change. Le RMT ne fait pas exception. Abandonnant la structure des bataillons après la guerre, il est composé d’un nombre variable de compagnies. Il accueille des appelés du contingent et est professionnalisé avec la suspension du Service national en 2001.

Après avoir équipé un régiment de réserve, le 70e RIMa, lui-même issu du RTST, il intègre des réservistes au sein de la 5e compagnie. Lorsqu’est prise la décision de créer une seconde compagnie de réserve, une interrogation subsiste quant à son appellation. N’oubliant pas le passé glorieux de la Nueve, le RMT attribue le numéro 9 à l’unité nouvellement constituée.

Le 14 juillet 2005, la 9e compagnie est officiellement recréée lors d’une cérémonie à Noyon. Son commandement est confié au capitaine Emmanuel Bourel. Cette reconstitution n’échappe pas aux anciens : plusieurs d’entre eux sont présents ce jour-là.

Désormais, le Pays peut à nouveau compter sur la Nueve…

Liste des hommes de la 9e compagnie morts au champ d’honneur.

13 / 08 / 1944 BOSQUET Eugène 2e Cl Ecouché (61)
13 / 08 / 1944 SANCHEZ Manuel 2e Cl Ecouché (61)
14 / 08 / 1944 CARAYON André René 2e Cl Ecouché (61)
16 / 08 / 1944 PORESKI Wilhelm SCH Ecouché (61)
16 / 08 / 1944 PUJOL Constant SCH Ecouché (61)
16 / 08 / 1944 DEL AGUILA Luis 2e Cl Ecouché (61)
16 / 08 / 1944 REINALDO Sanchez José 2e Cl Ecouché (61)
17 / 08 / 1944 HELIO Roberto 2e Cl Ecouché (61)
24 / 08 / 1944 HERNOZIAN-LOUIS Ernest 2e Cl Antony (92)
12 / 09 / 1944 MORILLAS Manuel SCH Andelot (52)
13 / 09 / 1944 ALMENDRO Antonio 1 Cl Hymont (88)
15 / 09 / 1944 DIEZ José SGT Châtel-s/ M (88)
16 / 09 / 1944 BENITEZ Bernado 2e Cl Châtel-s/ M (88)
16 / 09 / 1944 CANERO Juan CPL Châtel-s/ M (88)
14 / 10 / 1944 VASQUEZ Alicio 2e Cl Menarmont (88)
14 / 10 / 1944 RAMON-FABREGAS David SCH Menarmont (88)
31 / 10 / 1944 LECHADO Francisco 1 Cl Pettonville (54)
01 / 11 / 1944 MESTRAS-PEREZ Matéo 1 Cl Hablainville (54)
01 / 11 / 1944 CARENO Antonio SGT Vacqueville (54)
01 / 11 / 1944 GONZALES Augustin 1 Cl Vacqueville (54)
11 / 11 / 1944 PEREA Julien 2e Cl Vacqueville (54)
16 / 11 / 1944 BOTCAZON Roger 2e Cl Badonviller (54)
16 / 11 / 1944 BULLOSA Manuel SGT Badonviller (54)
16 / 11 / 1944 du CASTEL Louis 2e Cl Badonviller (54)
16 / 11 / 1944 DUROS Jean SGT Badonviller (54)
16 / 11 / 1944 MARTINEZ Antonio 2e Cl Badonviller (54)
16 / 11 / 1944 LOPEZ-SANCHEZ Nicolas 2e Cl Badonviller (54)
17 / 11 / 1944 BONGARD Auguste 2e Cl Badonviller (54)
17 / 11 / 1944 LAFUENTE José SGT Badonviller (54)
18 / 11 / 1944 KRON Francis SLT Badonviller (54)
23 / 11 / 1944 MAZY Emile 2e Cl Strasbourg (67)
14 / 12 / 1944 COUVILLERS René CCH Witternheim (67)
14 / 12 / 1944 CAMPOS Miguel ADC Witternheim (67)
14 / 12 / 1944 FRANCISCO-RIGUERA Manuel CPL Witternheim (67)
26 / 01 / 1945 BONTEMPS Marcel 2e Cl Elsenheim (67)
26 / 01 / 1945 JULIEN Roger 2e Cl Elsenheim (67)
26 / 01 / 1945 MORAGA DIAZ Pablo CPL Elsenheim (67)
26 / 01 / 1945 MINE Jean 2e Cl Elsenheim (67)
04 / 05 / 1945 BOLGOFF Anatole 2e Cl Allemagne

Liste des commandants d’unité de la 9e compagnie.

Capitaine Raymond DRONNE 1943 – avril 1945
Capitaine Roger DEHEN avril 1945 – juillet 1945
Capitaine Emmanuel BOUREL juillet 2005 – mars 2008
Capitaine Luc NEUVILLE mars 2008 – mars 2010
Lieutenant Philippe LUNOT mars 2010

Explication de l’Insigne de la 9ème Compagnie .

Dessiné par le LTN GRILLON

Le choix du loup comme emblème se justifie par l’histoire de la 9e Cie : formée en 1943 par des éléments des Corps Francs d’Afrique et par une majorité de Républicains espagnols, ces soldats formaient un groupe soudé par leurs combats contre le franquisme, une grande solidarité au combat et une rage de vaincre. Composée d’un grand nombre d’anciens anarchistes, cette compagnie sortait de l’ordinaire par rapport à une compagnie classique de l’armée régulière ; l’esprit qui l’animait était donc celui d’hommes luttant en groupe derrière leur chef, comme les loups. Or, le loup vit également dans les Pyrénées, montagnes communes à la France et à l’Espagne.

L’ancre évoque bien sûr l’appartenance aux Troupes de Marine.

Le chiffre 9 est celui de la compagnie, qui se retrouve sous son appellation espagnole de « Nueve » : c’est ainsi qu’était surnommée la 9e Compagnie du IIIe Bataillon du Régiment de Marche du Tchad pendant la Seconde guerre mondiale.

Sources et bibliographie

Journal de Marche Officiel du Régiment de Marche du Tchad, Service Historique de Défense, côte 12 P 259.

Amicale du III/ RMT (sous la présidence de Serge BOROCHOVITCH), 2e Division Blindée, Régiment de Marche du Tchad, Le 3e Bataillon 1943-1945, Paris, 1987.

STEIN (Louis), Par-delà l’exil et la mort, 1981.

RECALTA (Denis Fernandez), Des camps pour les républicains espagnols.
In : Le Monde diplomatique, février 1999

LAFOSSE (Philippe), Destins de Républicains espagnols.
In : Le Monde diplomatique, novembre 2003

RECALTA (Denis Fernandez), Ces Espagnols qui ont libéré Paris.
In : Le Monde diplomatique, août 2004

ROQUEJOFFRE (Général Michel), Les Espagnols en première ligne.
In : Le Nouvel Observateur, 19-26 août 2004.

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