Le mot du Président

Le mot du président

Au cours de ce second semestre 2014, de très nombreuses cérémonies et manifestations se sont déroulées, dans le cadre des commémorations du Centenaire de la Grande Guerre qui a embrasé l’Europe en 1914.

Ce conflit majeur bouleversa le monde tant sur le plan géostratégique que sur le plan sociétal ; effondrement des empires d’Europe, affaiblissement des démocraties européennes et naissance des futures grandes puissances économiques et militaires.

Pour commémorer ce premier conflit mondial, il y a eu une belle et formidable mobilisation, aussi bien des pouvoirs publics, des communes, des musées, des médias que des associations, avec l’organisation de centaines d’expositions, de conférences, de reportages télévisuels et radiophoniques, de manifestations et de cérémonies.

C’est un fait unique, ce qui prouve bien, à quel point, après un siècle écoulé, les français s’intéressent à leur Histoire et sont reconnaissants à ces Poilus qui se sont battus jusqu’au sacrifice suprême. Ils ont voulu rendre, aussi, un hommage à toutes les femmes courageuses qui ont remplacé les hommes, aux travaux des champs, à l’usine et dans tous les métiers de la vie courante.

Entre 1914 et 1918, nous sommes passés d’un concept de guerre napoléonien à une armée moderne qui allait préfigurer le concept d’une « force mécanique, terrestre et aérienne ». Les innovations techniques ont été considérables, les plus spectaculaires sont l’apparition des chars, de l’aviation, d’une artillerie à longue portée, mais aussi des armes automatiques pour les fantassins. Pour faire face aux différents revers militaires, les généraux ont adapté, en permanence, de nouvelles doctrines d’emploi des forces. L’Infanterie s’est modernisée, notamment dans ses structures et dans son style de commandement ; la déconcentration du commandement inexistante, en 1914, est apparue progressivement jusqu’au niveau le plus bas, grâce au corps des sous-officiers.

Août-septembre 2014

Début du mois d’août, pour rappeler ce moment tragique, le tocsin a sonné dans toutes les villes et villages de France, comme celui qui annonçait, en ce dimanche 1er août 1914, la Guerre et la Mobilisation Générale.
Le 6 septembre à 11h00 précises, à l’initiative de l’Etat-Major des Armées, l’opération « 100 villes, 100 héros, 100 drapeaux » avait pour but d’honorer tous les régiments partis sur le front et de rendre hommage à tous nos Poilus. Sur les lieux précis de leur casernement en 1914, en présence de leur Drapeau, une plaque a été dévoilée pour rappeler ces faits historiques.
Pour commémorer la Victoire  de la Marne et l’épopée emblématique des taxis parisiens, une reconstitution avec des taxis de l’époque et ceux d’aujourd’hui, a été faite entre l’Hôtel des Invalides et Nanteuil-le-Haudouin. Cette manifestation a rencontré un grand succès populaire sur tout le parcours. Une foule nombreuse a pu admirer et applaudir ces taxis d’époque avec leurs chauffeurs, transportant des militaires en tenue garance.
A Villeroy, un vibrant et émouvant hommage a été rendu, par les meldois et la famille Péguy, en présence des autorités civiles, religieuses et militaires, à Charles Péguy, ce grand poète et essayiste, lieutenant de réserve d’Infanterie, à l’occasion du centenaire de sa mort.
Beaucoup d’autres manifestations et hommages se sont déroulés, dans toute la France et il est particulièrement réjouissant et satisfaisant de s’apercevoir que les Français, de toute génération, s’intéressent et se passionnent tout simplement pour leur Histoire. Combien d’entre eux en ont profité pour effectuer des recherches sur un grand-père ou un aïeul disparu durant ce conflit et jusque-là oublié ?

Au moment, où la France honore ces soldats de 14, engagés au sein de plusieurs centaines de régiments d’infanterie,  comptant chacun plus de 3300 hommes ; en miroir, une France, qui est peu mobilisée par les réductions budgétaires successives de la Défense Nationale, ayant  pour conséquences, une baisse drastique des effectifs et un report des programmes d’équipement. Elles ont commencé dès 1972, avec une accélération notoire qui a été impulsée à partir de 2008.

1914 : plus de 500 régiments d’infanterie ; 2014 : moins d’une vingtaine, d’environ 1000 hommes. Certes, il n’y a pas de comparaison entre ces deux époques, mais elle est, néanmoins, symptomatique. Beaucoup d’experts dans ce domaine s’accordent à dire, à quel point, nous avons atteint un seuil des plus critiques, en deçà duquel, il ne sera plus possible, à nos Forces Armées, d’être aptes à remplir les missions d’un pays, qui tient pourtant à tenir à son rôle de puissance cadre.

Et ce ne sont pas toutes les innovations techniques des matériels et des armements, les robotisations des moyens de combat, de reconnaissance et de renseignement, qui permettront d’y pallier. Les conflits  asymétriques actuels montrent une absolue nécessité d’être doté, en particulier, d’unités d’infanterie équipées et en nombre suffisant.

Que dire demain, si nous étions confrontés à des conflits symétriques ?

                                                                                 

Colonel (R) Philippe MARTIN
Président de l’ANORI